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vendredi, 21 janvier 2011

Paul Watzlawick

watzlawick.jpgPaul Watzlawick (Villach, en Autriche, 25 juilet1921 – Palo Alto, en Californie, 31 mars 2007)  est un théoricien dans la théorie de la communication et le constructivisme radical, l'un des membres fondateurs de l'École de Palo Alto.

Psychologue, psychothérapeute, psychanalyste jungien et sociologue, ses travaux ont porté sur la thérapie familiale et la psychothérapie générale.

Prisonnier politique en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale, Paul Watzlawick, s'évade en Angleterre. À la fin de la guerre, il est démobilisé en Italie et entre dans les services de police de la ville de Trieste. En 1949, il obtient son doctorat en langues modernes et philosophie à Venise où il a étudié la logique (influence de Ludwig Wittgenstein, Gottlob Frege et Kurt Gödel). De 1949 à 1954, il se forme à l'institut Carl Jung à Zurich, puis obtient un poste pour les Nations Unies en Italie. Après un séjour à Bombay, il enseigne la psychologie analytique et la psychothérapie à l'université d'El Salvador de 1957 à 1959.

En 1960, il se rend à Philadelphie pour étudier l'approche thérapeutique de John Rosen à l'Institute for Direct Analysis. C'est là qu'il rencontre Ray Birdwhistell et Albert Scheflen. Ce dernier le présente à Donald D. Jackson et en 1961 Watzlawick rejoint le Mental Research Institute of Palo Alto.

 

L’ouvrage le plus important, où se trouvent les concepts fondateurs de « la nouvelle communication » est Une logique de la communication (1967), rédigé avec Janet Helmick Beavin et Don D Jackson.

Les autres ouvrages ne font finalement que reprendre et développer ces principes tout en se complaisant dans l’anecdote.

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mercredi, 19 janvier 2011

Cybernétique

La cybernétique est une science du contrôle des systèmes, vivants ou non-vivants, fondée en 1948 par le mathématicien américain Norbert Wiener. La signification étymologique du mot cybernétique désigne « l'action de manœuvrer un vaisseau, de gouverner » (du grec Kubenêsis).

La cybernétique est la science des machines qui s’autorégulent ; étant « informées » sur leurs résultats, elles se corrigent elles-mêmes. La démarche de Wiener est à replacer dans le contexte post-traumatique des années de la  guerre, marqué par la crainte très réelle que nos sociétés ne retournent au chaos c'est-à-dire à l'entropie. La seule façon de faire reculer le chaos est de créer, localement, des îlots d'ordre ou de néguentropie, par l'intermédiaire de l'information.

Notre monde est intégralement constitué de systèmes, vivants ou non-vivants, imbriqués et en interaction. Peuvent ainsi être considérés comme des "systèmes": une société, une économie, un réseau d'ordinateurs, une machine, une entreprise, une cellule, un organisme, un cerveau, un individu, un écosystème… Les ordinateurs et toutes les machines intelligentes que nous connaissons aujourd'hui sont des applications de la cybernétique. La cybernétique a aussi fourni des méthodes puissantes pour le contrôle de deux systèmes importants: la société et l'économie

Un système cybernétique peut être défini comme un ensemble d'éléments en interaction, les interactions entre les éléments peuvent consister en des échanges de matière, d'énergie, ou d'information.

Ces échanges constituent une communication, à laquelle les éléments réagissent en changeant d'état ou en modifiant leur action. La communication, le signal, l'information, et la rétroaction sont des notions centrales de la cybernétique et de tous les systèmes, organismes vivants, machines, ou réseaux de machines.

Lorsque des éléments sont organisés en un système, les interactions entre les éléments donnent à l'ensemble des propriétés que ne possèdent pas les éléments pris séparément. On dit alors que « le tout est supérieur à la somme des parties ». Par exemple, un animal manifeste des propriétés (courir, chasser, guetter, attaquer...), que ne manifestent pas ses organes pris séparément. Et ces organes eux-mêmes sont des systèmes qui possèdent des propriétés que ne possèdent pas leurs éléments, à savoir les cellules, etc. De même, une machine (par exemple un ordinateur) possède des propriétés supérieures à celles de la somme de ses composants.

Notre monde est intégralement constitué de systèmes, vivants ou non-vivants, imbriqués et en interaction.            

Feedback et auto-régulation

L'approche cybernétique d'un système consiste en une analyse globale des éléments en présence et surtout de leurs interactions. Les éléments d'un système sont en interaction réciproque. L'action d'un élément sur un autre entraîne en retour une réponse (rétroaction ou feedback) du second élément vers le premier. On dit alors que ces deux éléments sont reliés par une boucle de feedback (ou boucle de rétroaction).

Une boucle qui relie un élément A à un élément B est dite positive lorsqu'une variation dans un sens de la valeur de A produit une variation dans le même sens de la valeur de B. Les boucles positives sont donc des boucles qui amplifient les tendances. Le plus y appelle le plus, et le moins y appelle le moins. L'équilibre d'un système requiert donc un nombre suffisant de boucles négatives, où un élément A fait augmenter B, mais où en retour l'augmentation de B fait diminuer A.

Un exemple de système cybernétique rudimentaire est un radiateur électrique. Il possède deux éléments, une résistance et un thermostat, liés par une boucle négative: ainsi, l'augmentation de la chaleur déclenche d'elle même la coupure du thermostat, provoquant en retour la baisse de la température, qui produira à son tour la réouverture du thermostat. Un système cybernétique équilibré a pour propriété de s'autoréguler. Une tendance dans un sens y crée les conditions de la tendance inverse. De tels systèmes manifestent une grande stabilité dans le temps.

Les systèmes issus de la nature (écosystème, cellule, organisme) offrent des exemples de systèmes parfaitement auto-régulés.

 

Une science du contrôle social

La cybernétique peut être considérée comme particulièrement déterminante à l'ère de l'information et des systèmes complexes. La maîtrise des systèmes complexes que nous avons créés, ainsi que la compréhension de cet autre système complexe qu'est la biosphère, font partie des enjeux majeurs pour le XXIème siècle.

Le type de société qui émerge aujourd'hui dans les pays industrialisés découle directement des applications de la cybernétique: processus de robotisation de la production, réseaux financiers mondialisés, nouvelles méthodes de management et d'organisation de l'entreprise, réseaux de communication et réseaux informatiques, nouveaux systèmes d'armes intelligentes...

La cybernétique est par essence une science du contrôle et de l'information, visant à la connaissance et au pilotage des systèmes.

Lorsque la cybernétique a été inventée, le gouvernement américain souhaitait la classer secret défense. Grâce à l'opposition de Norbert Wiener, la cybernétique a été rendue publique mais sa diffusion a été restreinte à un cercle de spécialistes. Actuellement, la plupart des livres sur la cybernétique sont épuisés chez l'éditeur, et la plupart des gens ignorent ce qu'est la cybernétique (ou bien ils l'associent à tort à la mode "cyber" ou aux jeux vidéo).

Norbert Wiener était conscient de l'impact que les applications de la cybernétique allaient avoir sur la société. Dans un livre publié en 1950, Cybernétique et société, il prévoit la fin du travail humain remplacé par des machines intelligentes, et met en garde les responsables politiques contre les conséquences d'une utilisation de la cybernétique qui ne serait pas accompagnée par une évolution post-industrielle des structures de la société, dans laquelle l'homme pourrait enfin être libéré du travail. Faute de quoi avait-il prévenu, nous assisterons à un développement sans précédent du chômage et de l'exclusion sociale, pouvant à terme conduire à l'effacement progressif de la démocratie.

Mais la cybernétique pourrait aussi constituer une source d'inspiration positive et féconde pour l'invention d'un « capitalisme à visage humain », conciliant l'homme, l'économie, et l'environnement.

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lundi, 17 janvier 2011

Les théories de la communication (1)

C'est après la première guerre mondiale, dans un contexte de Guerre Froide, de renseignement et de secret que la problématique de la communication s'est imposée aux Etats-Unis, d'où elle a pris  son essor.


La théorie de l'information de Shannon (modèle télégraphique)

 

La Théorie de Shannon est une théorie mathématique de l'information, dite aussi de la donnée. Elle est née de considérations très pratiques : des problèmes de capacités de lignes de communication (télégraphe & téléphone) et de coût de communication. En recherchant des solutions rapides, sures et rentables pour transporter l'information, des chercheurs l'ont progressivement mise au point. Dans leur jargon en fait, la communication se limitait le plus souvent au transport de l'information, ce dernier terme étant synonyme de données, c'est-à-dire d'un ensemble de signaux non signifiants, une simple chaîne de signes (lettres/points/barres) constituant le message qu'il importait de transmettre le plus rapidement, le plus efficacement et le plus économiquement possible.

En 1949, Claude E. Shannon, un mathématicien travaillant pour la compagnie de téléphone Bell, publia la Théorie mathématique de la communication. C'est l'aboutissement de la recherche de plusieurs ingénieurs, dont Hartley, qui donna la première lettre de son nom pour désigner l'information dans une formule. La communication y est conçue comme une pure mécanique, découpable en un schéma matériel  : une source d'information, qui produit un message (la parole au téléphone, par exemple) ; un émetteur, qui transforme le message en signaux (le téléphone transformant la voix en oscillations électriques) ; un canal, grâce auquel sont transportés les signaux (câble téléphonique) ; un récepteur, qui reconstruit le message à partir des signaux ; et une destination, qui est la personne (ou la chose) à laquelle le message est envoyé.

 

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Le problème fondamental de la communication est de reproduire en un point soit exactement soit approximativement un message sélectionné à un autre point. (...)Par système de communication nous désignons un système du type indiqué par le schéma de la figure 1. Il consiste en cinq parties essentiellement.
Ces 5 parties:
- Une source d'information qui produit un message ou une série de messages à communiquer au terminal récepteur
- Un transmetteur qui traite le message de façon à produire un signal susceptible d'être transmis par le canal.
- Le canal est simplement le medium utilisé pour transmettre le message de l'émetteur au récepteur.
- Le récepteur effectue d'ordinaire l'opération inverse de celle faite par le transmetteur, en reconstruisant le message à partir du signal.
- Le destinataire est la personne (ou la chose) à qui le message est adressé

Pendant la transmission, ou à l'un des terminaux, le signal peut être perturbé par du bruit.

 

tintin3.jpgLe message, un ensemble de signaux codés et insensés, est donc transmis de l'émetteur au récepteur : c'est un objet, extérieur à ceux qui le produisent ou le consomment. C'est une matière, quantifiable après traitement spécifique. Ce traitement, c'est la théorie de l'information qui va le permettre en décomposant le message en unités, les bits d'information. Le message est acheminé via des canaux permettant de franchir la distance spatiale et temporelle qui sépare l'émetteur du récepteur ( canaux naturels comme les ondes de l'air ou instrumentaux comme le faisceau laser, les câbles de la télédistribution ou encore les satellites de communication). Les opérations de codage et de décodage s'effectuent sur la base d'un code dont la convention est partagée par l'emetteur et le récepteur, et qui doit être composé de signaux univoques, chaque signe ne pouvant se référer qu'à une seule chose. Ainsi conçu, le code apparait bien comme extérieur à la source de l'information. La source doit se soumettre au code. De plus, le code est préétabli : il précède ses utilisations dans les opérations de décodage. Il est des choses qu'on ne pourra donc dire, parce que des signes peuvent manquer au code. Le caractère mécaniste du modèle est ainsi manifeste.

 

Prolongements :

 

De nombreuses études ont été faites dès son apparition pour appliquer la théorie de l’information de Shannon à la communication humaine. En fait, on a un peu vite superposé les notions d’information et de communication, le but des travaux étant de mesurer la capacité de l’homme comme véhicule d’information ou canal de transmission. On a pu mesurer ainsi que la limite supérieure de capacité de transmission humaine se limite à 25 bits / sec.

Mais bien au-delà, la théorie de Shannon a bientôt constitué un point de ralliement pour des disciplines aussi diverses que la physique, les mathématiques, la sociologie, la psychologie, la linguistique et la biologie moléculaire à travers les notions de code, d'émetteur, de message et de récepteur, de bruit, de redondance… En linguistique, par exemple, le mot code va s’imposer comme synonyme de langue et de système. On peut voir là une première occasion de rapprocher dans l’analyse de la communication les domaines de l’artificiel, du biologique et de l’humain.

 Dès le départ, des chercheurs se sont insurgés contre une telle transposition d'un schéma mathématique dans d'autres disciplines. Toutefois, pendant plus de trois décennies, cette théorie linéaire inspirera la plupart des approches de la communication, et le schéma établi par le mathématicien Shannon – émetteur/message/récepteur – deviendra la référence obligée pour tout néophyte en sociologie des médias.

Shannon avait montré qu’au fur et à mesure qu’on apporte des données, celles-ci devenaient de plus en plus prévisibles. Il y a un inévitable passage de l’information à la redondance. Cette idée, soulignée par Shannon, que l’information ne peut que se dégrader irrémédiablement a trouvé une postérité dans les théories systémiques à venir. Un rapprochement a été fait avec la thermodynamique. En 1865, Rudolf Clausius avait montré, à propos de l’énergie, que tout ce qui est organisé et structuré est soumis à la dégradation et au retour au chaos. C’est le phénomène d’entropie. Dans une machine thermique, l’évolution d’un ordre différencié (chaud et froid séparés) donne in fine un désordre indifférencié (le tiède).

  

 

L'apport de Weaver

 Warren Weaver (1896-1978) est un mathématicien, philosophe de la communication.
Il a « humanisé » le schéma purement technique de Shannon en y introduisant un récepteur sémantique entre le récepteur technique (qui transforme les signaux en message) et le destinataire. Ce récepteur soumet le message à un second décodage, destiné à mettre un sens sur les mots reconstitués, à accorder les caractères sémantiques des messages avec les possibilités sémantiques des destinataires. De même, Weaver suggère d'insérer entre source et émetteur un paramètre supplémentaire qualifié de bruit sémantique, rendant compte de phénomènes de perturbations ou de distorsion de signification.

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La cybernétique

Le premier à avoir l'intuition du rôle structurant des nouvelles machines à communiquer est Norbert Wiener (1894-1964), mathématicien américain, le  père de la cybernétique. Dans son ouvrage Cybernetics or Control and Communication in the Man and the Machine (1948), il diagnostique - alors que l'on est tout juste à l'aube de l'informatique - que la société du futur s'organisera autour de l'information.

La cybernétique : sciences du contrôle et des communications dans l’homme, l’animal et la machine.

Science qui se donne pour objet l’étude des systèmes vivants et non vivants ; la science des régulations au sein des organismes vivants et des machines. Notre monde est intégralement constitué de systèmes, vivants ou non-vivants, imbriqués et en interaction. Peuvent ainsi être considérés comme des "systèmes": une société, une économie, un réseau d'ordinateurs, une machine, une entreprise, une cellule, un organisme, un cerveau, un individu, un écosystème… 

Un système cybernétique peut être défini comme un ensemble d'éléments en interaction, les interactions entre les éléments peuvent consister en des échanges de matière, d'énergie, ou d'information.

Ces échanges constituent une communication, à laquelle les éléments réagissent en changeant d'état ou en modifiant leur action. La communication, le signal, l'information, et la rétroaction sont des notions centrales de la cybernétique et de tous les systèmes, organismes vivants, machines, ou réseaux de machines.

L’apport de Wiener au modèle de la communication : le feedback ou processus de régulation.

L'approche cybernétique d'un système consiste en une analyse globale des éléments en présence et surtout de leurs interactions réciproques. L'action d'un élément sur un autre entraîne en retour une réponse (rétroaction ou "feedback") du second élément vers le premier. On dit alors que ces deux éléments sont reliés par une boucle de feedback (ou boucle de rétroaction). Le message de Rétroaction (ou Feedback, ou encore message de feed-back en anglais), est donc le message, verbal ou non, renvoyé par réaction par le récepteur, à l'émetteur. Lorsqu'il existe, on parle de communication bidirectionnelle. Ses enjeux sont différenciés de ceux du message dont il est issu. Le feed-back peut servir, suivant les cas, à:

- confirmer la réception du message ;

- infirmer la réception du message ;

- demander des précisions ;

- relancer la discussion ;

- terminer la discussion.

La notion de rétroaction (feed-back)  a permis aux chercheurs en sciences humaines de passer d'une vision linéaire (unidirectionnelle) de la communication, à la conception d'un processus circulaire (bidirectionnelle).

On peut distinguer selon Wiener deux formes de Feed-Back :

- Le Feed-back positif, qui conduit à accentuer un phénomène, avec un effet possible de boule de neige (hausse de la tension entre les communicants. Entre humains il s'agirait d'énervement entre deux personnes).

- Le Feed-back négatif peut être considéré comme un phénomène de régulation, qui en amoindrissant la communication, tend à la maintenir stable et équilibrée. Cette régulation prends plusieurs formes notamment la reformulation ou le questionnement.

Ces deux formes du Feed-back assurent la réception du message. Le troisième cas, dans lequel le Feed-back n'est pas exprimé (néant), crée un frein à la communication: on ne sait même pas si le message a été reçu ou pas. C'est souvent le cas dans la communication de masse.

C’est une révolution, car la communication cesse d’être conçue comme linéaire, mais comme circulaire (boucles) : Emetteur et récepteur interagissent.

 

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Wiener distingue 2 types de feedback :

 

feedback positif : il conduit à accentuer un phénomène (Réactions de B renforcent l’attitude A)

feedback négatif : régulation, amortit le phénomène (Réactions de B conduisent A à se corriger).

jeudi, 13 janvier 2011

La critique du marketing

L’idéologie marketing et  sa critique. (Gilles Marion, professeur  à l'unité pédagogique et de recherche Marchés et Innovation,  E.M.LYON)

On sait depuis Chandler (1977) que pour comprendre l’évolution de l’économie de marché, il convient aussi de porter attention à la main visible des managers et notamment à celle des spécialistes de la  médiation marchande que sont les marketers (Cochoy, 1999). Il s’ensuit qu’il n’est pas inutile d’étudier  les croyances partagées par les marketers, c’est-à-dire leur idéologie. Pour saisir les évolutions du  marketing en France des années 1960 aux années 1990, nous allons montrer comment cette  idéologie s’est transformée et ainsi renforcée au fil du temps.

I. Bref rappel historique

Impossible de traiter du marketing en France sans analyser comment le modèle Américain a été  importé, c’est-à-dire reçu et adapté. Au-delà d’une périodisation simpliste et imprécise en plusieurs  « ères »[i] (Marion, 1993), décrivons rapidement les conditions économiques qui ont porté le marketing.

L’ère de la société de consommation, ainsi que la diffusion de la fonction marketing et de ses  techniques, sont décalées par rapport au modèle américain. Toutefois, bien que l’émergence d’un  marché de masse ne date que du milieu des années 1950, l’importance des enjeux marketing est  reconnue dès l’entre-deux-guerres. Certaines entreprises utilisent ses techniques qui sont enseignées  notamment au CPA (Centre de préparation aux affaires), créé en 1930 (Meuleau, 1988). Au total,  « l’influence américaine […] fut très souvent accueillie favorablement mais introduite volontairement  de manière sélective » Chessel (1998, p. 213).

La croissance des années 1950 et 1960 permet la concrétisation des évolutions esquissées. Les  « Trente Glorieuses », c’est-à-dire la période 1946-1975 selon Fourastié (1979), voient s’accomplir une  progression inouïe du niveau de vie des français. La rupture décisive pour les entreprises françaises  étant l’entrée dans le Marché Commun, en 1957. Au cours de ces années les agences de publicité et  les sociétés de conseils en études de marché accélèrent la promotion du marketing. L’IFOP avait été  créée en 1938 sur le modèle de l’institut américain Gallup. L’ETMAR fut l’une des premières sociétés  d’études de marché créées après guerre (1948). Le premier panel français de consommateurs,  STAFCO, fut créé en 1953. L’Association pour le Développement des Techniques de Marketing  (ADETEM) est fondée en 1954. La revue Entreprise consacre, dès l’année de sa création (1953), plus  de la moitié de ses articles aux méthodes des entreprises américaines. La moitié des livres consacrés  au marketing et aux études de marché publiés entre 1944 et 1959 furent soient des traductions  d’ouvrages américains, soit des témoignages issus d’une expérience américaine. Le contenu de  l’autre moitié étant plus ou moins influencé par le modèle américain (Meuleau 1988). Dès lors, à partir  de la fin des années 1950 de nombreuses entreprises françaises considèrent le marketing comme un  outil important et proposent alors un grand nombre d’opportunités aux marketers pour accéder à des  postes de responsabilités.                                              

II. Un cadre d’analyse

Le marketing est toujours insuffisamment défini par ses techniques, ses procédures, son organisation  ou sa résonance socioculturelle. Pour clarifier cette question, distinguons ici trois niveaux de  description

1) Le marketing est d’abord un ensemble de pratiques dans les entreprises et les marchés,  notamment décrites par les historiens : Chandler (1977), Fullerton (1988), Tedlow (1990), aux États  Unis ; Meuleau (1988), et Chessel (1998), en France. La fonction marketing apparaît dans les grandes entreprises américaines au début du XXe siècle. Ses principaux métiers (publicitaire, chef de produit,  responsable d’étude), se diffusent largement aux États Unis, puis en Europe et donc en France, au  cours des années 1950 et 1960 (Low et Fullerton, 1994).

2) Le marketing est aussi une inscription de ces pratiques dans des règles afin de constituer  une discipline du marché permettant aux marketers d’agir. Les principaux outils (stratégie de marque,  différenciation, segmentation, publicité), apparaissent entre 1880 et 1930. La discipline du marketing  est codifiée et rationalisée entre 1920 et 1960 (Bartels, 1976), afin d’être enseignée aux générations  d’étudiants qui se succéderont dans les  Business Schools  du monde entier comme en France au  cours de la seconde moitié du siècle. Cette théorisation proposée par les manuels de  marketing  management a permis la professionnalisation des  marketers et des enseignants de marketing  (Cochoy, 1999).

3) Le marketing est une idéologie, c’est-à-dire un ensemble de croyances et de représentations sociales partagées par les marketers et les divers acteurs du marché :consommateurs, distributeurs, publicitaires, consultants, professeurs et étudiants. Si le marketer est  un salarié de la grande entreprise, comment peut-elle s’attacher cet acteur si nécessaire à l’atteinte de  ses objectifs ? Répondre en termes de salaire n’explique que peu de chose. Il faut en effet encore  expliquer pourquoi un individu choisit tel ou tel métier ? Comme tout salarié, le marketer a besoin de  bonnes raisons pour s’engager dans son travail et s’impliquer dans l’entreprise. Des raisons fondées  sur des représentations collectives et des croyances susceptibles de lui fournir des justifications. Loin  de définir l’idéologie comme une "fausse conscience" ou un leurre, c’est-à-dire une sorte  d’incompréhension des circonstances de la vie ordinaire, nous considérons que la fonction de  l’idéologie est moins de promouvoir un intérêt spécifique ou de masquer des rapports de force que de  fournir des repères à l’action des personnes plongées dans un monde complexe et confus (Boltanski  et Chiapello, 1999, pp. 35-46).

Pour restituer l’évolution de l’idéologie marketing, c’est-à-dire une certaine manière de concevoir  l’échange économique, ses objectifs et ses moyens, nous allons repérer les critiques qui lui ont été  adressées et les réponses qu’elle s’est efforcée d’apporter. Nous montrerons comment la contreculture des années 1960 (Morin, 1962) est entrée en symbiose avec l’extension des processus de  mise en marché et en quoi cette évolution est redevable au  marketer ? Nous conclurons sur les  épreuves actuelles de l’idéologie marketing et de la critique, puis nous proposerons une hypothèse de  généralisation de notre analyse.

III. Les fondements de l’idéologie marketing

Au début des années 1960, les marketers, les publicitaires et les consultants en marketing français  intensifient leur recherche de justifications pour leurs pratiques, notamment dans les manuels de  marketing américains. Que trouvent-ils ?

1. Les justifications issues de la science économique

En dépit des efforts récurrents du marketing pour se singulariser, cette discipline puise d’abord ses  justifications dans le courant dominant de la science économique. L’économie comme le marketing se  préoccupent du fonctionnement du marché puisque celui-ci est le mode de coordination dominant de  l’économie contemporaine.

Pour se construire, le marketing retient d’abord de cet héritage que tout ce qui est bénéfique pour  l’individu l’est pour la société : le critère ultime du bien-être social c’est le progrès matériel individuel  incessant. Il retient ensuite que le seul critère du bien commun est l’accroissement global de  richesses, quel qu’en soit le bénéficiaire. Il s’ensuit que la santé des entreprises d’un pays, mesurée  par leur niveau d’activité et de croissance et/ou leur taux de profit, est un bon critère de la mesure du  bien-être collectif. Les marketers français disposent ainsi d’une première légitimation de leurs  pratiques au sein de la grande entreprise capitaliste.

La science économique fournit aussi un autre résultat : la concurrence, même si elle n’est pas pure et  parfaite, est le moyen le plus sûr pour que le client bénéficie du meilleur produit au moindre coût. L’entreprise privée concurrentielle est jugée plus efficace et efficiente dans la mesure où, pour  parvenir à ses fins, elle doit satisfaire le consommateur. Il faut donc protéger la propriété privée et la  liberté d’entreprendre afin de préserver le système de la concurrence ou le risque de concurrence  (Schumpeter, 1947).

De plus, pour les tenants du libéralisme économique, la liberté dans les arrangements économiques  est une condition indispensable pour la réalisation de la liberté politique (Friedman, 1962). La  privatisation, puis la mise en marché, de tous les biens et services constituent, économiquement et  socialement, la meilleure solution puisqu’elles réduisent le gaspillage des ressources et obligent les  fournisseurs à aller au-devant des attentes des clients. Pour les marketers, une telle solution doit se  généraliser par l’extension de la régulation par les marchés et donc la transformation de tous les  acteurs sociaux en consommateur : le patient, l’élève, l’usager, l’amateur d’art, le donateur à des  œuvres caritatives, voire le citoyen, sont tous potentiellement des consommateurs (Kotler & Levy,  1969).  Au total, trois piliers de l’entreprise capitaliste : progrès matériel, efficacité et efficience dans la  satisfaction des besoins, organisation sociale favorable à l’exercice des libertés économiques et  politiques, constituent les fondements de l’idéologie marketing (Boltanski et Chiapello, 1999).

2. Les justifications propres au marketing management

Toutefois, ces justifications très générales ne semblent pas suffisantes au marketer pour faire face  aux critiques qui lui sont adressées personnellement lors d’une controverse locale. Principalement  parce qu’il demeure ambivalent vis-à-vis de la concurrence. D’un côté, la concurrence fournit une  justification de son rôle au sein de l’entreprise, puisque c’est lui qui pilote les adaptations au continuel  déplacement des préférences du consommateur. D’un autre, le marketer déplore les pressions  constantes qui font de ses actions de simples réactions au jeu concurrentiel. Tout marketer veut  préserver la figure du consommateur souverain - le client Roi - (Gomez, 1994), dont les besoins et les  désirs constituent une sphère indépendante de toute autorité extérieure : l’État, le monopole ou le  publicitaire « manipulateur ». Il sait que les rentes liées à la possession d’un brevet ou d’une marque,  d’un secret de fabrication, d’un savoir-faire, d’une innovation organisationnelle, sont provisoires. Mais,  en même temps, il cherche à créer des préférences pour sa marque au moyen de la différenciation  des produits et de la publicité. Il s’efforce de donner à sa marque une position distinctive dans un  segment de marché, voire de lui faire détenir un quasi-monopole au sein d’une "niche". La raison  d’être du marketer dans l’entreprise demeure la concurrence et l’économie de marché, mais il apparaît  comme une figure double : celle de l’entrepreneur qui génère des innovations en inventant de  nouvelles règles du jeu et celle du gestionnaire qui optimise les solutions au sein de règles données  notamment par l’évitement de la concurrence.

Par position, le marketer est une cible privilégiée de la critique et lui prête une oreille attentive. Il doit  faire face non seulement à celle des acteurs du marché (consommateurs, distributeurs, prescripteurs,  journalistes, etc.), mais aussi à celle des autres coalitions de l’entreprises (ingénieurs de recherche et  développement ou vendeurs), et à celle de ses subordonnés. Il a l’expérience d’autres sphères  sociales (attachement familial, solidarité civique, pratique religieuse, vie intellectuelle), et doit donc  aussi faire face à la critique de son entourage (conjoint, enfants, famille, amis). Dès lors, le marketer,  et notamment le (la) débutant(e), a besoin de justifications pour répondre à la critique et s’expliquer  face aux autres. Pour que l’idéologie marketing soit utile à son action quotidienne, et à celle de ceux qu’il doit sensibiliser ou convaincre, il faut qu’elle se présente sous des formes discursives édifiantes  afin d’être partagée. Un discours qui stimule l’imagination face aux situations concrètes de la vie  professionnelle, un discours qui mélange convenablement des préceptes généraux et des exemples  excitants sous forme de cas pédagogiques. Bref, il faut le discours du marketing management  proposé par de nombreux manuels américains.

Un tel discours s’est efforcé d’éliminer les ambiguïtés vis-à-vis de la maximisation des profits. Selon  Drucker (1954), tant que le salarié considérera que le but de l’entreprise est de réaliser du profit, il  verra une divergence entre ses intérêts et ceux de l’entreprise. Par contre, s’il est persuadé que le but  de l’entreprise est de créer et conserver une clientèle, il y aura harmonie au lieu de conflit. Le  marketing et l’innovation étant, selon Drucker, les deux ingrédients indispensables pour créer une  clientèle, il s’ensuit que le marketer doit considérer le profit comme une sorte de « mal nécessaire » : non pas la cause ou la raison d’être de l’entreprise, mais la preuve de sa viabilité économique. Le  marketing management veut susciter l’enthousiasme moderniste en faveur d’organisations  performantes soucieuses de bien-être social et non strictement en faveur du profit. Parce que des  entreprises plus efficaces serviront mieux le progrès économique et social, la diffusion du marketing  dans les entreprises est évoquée comme un progrès quasi inéluctable (Keith, 1960). Les réussites  des multinationales américaines servent d’illustrations emblématiques du futur, tandis que sont  pointés les secteurs retardataires : chemins de fer, matières premières… (Levitt, 1960), et les  résistances rétrogrades (l’orientation production). Solidaire du monde libre et de la démocratie dans  une période de guerre froide, il est alors particulièrement légitime. L’attractivité de la fonction  marketing est ainsi doublement assurée : 

1) par l’autonomie qui est proposée au marketer et notamment au chef de produit – une sorte de "petit patron" de sa marque - dans le cadre d’une relative décentralisation des décisions et,

2) par l’association de cette liberté à une autre libération : la satisfaction du consommateur, voire du citoyen.

Récapitulons, l’entreprise des années 1960 a besoin du marketer et celui-ci a besoin de bonnes raisons pour faire son travail. Le discours du marketing management lui fournit des raisons  acceptables de s’engager pour lui. D’autant plus que ce discours reste fidèle à l’un des fondements  idéologiques du marketing : la liberté de choix, y compris pour ceux qui le pratiquent. Il alimente le  marketer de motifs suffisamment excitants pour valoir qu’on choisisse cette profession plutôt qu’une  autre et il fournit aussi des justifications fondées sur l’intérêt général pour répondre aux critiques. Le  marketing management est une traduction, en termes concrets et illustrés, des thèmes majeurs du  principal courant de la science économique. Il fournit non seulement des solutions à des problèmes  concrets mais aussi du « prêt à penser » pour le marketer en quête de justifications pour ses pratiques.

 

 



[i] Cette périodisation décrit trois phases (l’orientation production, l’orientation vente et l’orientation marketing) dont la dernière  constitue l’aboutissement d’un processus irréversible et d’un pseudo progrès : la « révolution marketing ».

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mardi, 11 janvier 2011

Don du sang

 

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vendredi, 07 janvier 2011

Chiche

CHICHE1, adj.
A.  [En parlant d'une pers.] Dont la parcimonie confine à l'avarice. La parente qui recevait avait la réputation d'être un peu chiche (
GIDE, Journal, 1930, p. 967).
 Expr. Être chiche de (qqc.). Être avare de. Chiche de bravos sur les galeries (
L. CLADEL, Ompdrailles, 1879, p. 196). Chiches de compliments (BENJAMIN, Gaspard,1915, p. 35). Chiche de dragées (P.-L. MENON, R. LECOTTÉ, Au village de France, Livre 1, 1954, p. 86).
B.  [En parlant d'une chose] Qui témoigne de cet esprit d'avarice, peu abondant. Le régal fut chiche (Ac. 1932). Ce logis où nous demeurions ne recevait qu'une chiche lumière, dépendance de la sacristie (
CÉLINE, Voyage au bout de la nuit, 1932, p. 484).
Rem. On rencontre ds la docum. les dér. a) Chichement, adv. D'une manière chiche. La famille vécut chichement (
ZOLA, La Joie de vivre, 1884, p. 850). Chichement notée (COLETTE, Claudine à l'école, 1900, p. 236). Chichement rétribuée (CÉLINE, Voyage au bout de la nuit, 1932, p. 347). b) Chicherie, chicheté, subst. fém. Caractère d'une personne chiche, attitude chiche. Les bénéficiaires ordinaires de ces dons commençaient à se plaindre de la chicherie des princes (FARAL, La Vie quotidienne au temps de St Louis, 1942, p. 179). La chicheté de l'enjeu (J. DE LA VARENDE, M. le Duc de Saint-Simon et sa Comédie humaine, 1955, p. 62). c) Chichotter, verbe intrans. Être chiche. Tu chichottes sur les secours que mon état réclame (G. SAND, Le Meunier d'Angibault, 1845, p. 333).
Prononc. et Orth. : [ ]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1165-70 « qui regarde à la dépense » (
CHR. DE TROYES, Erec et Enide, 6676 ds T.-L.); 2. 1538 chiche de(qqc.) « qui n'est pas prodigue de » (EST.); 3. d'une chose a) 1732 « parcimonieux » dépense chiche (Trév.); b) 1798 « peu abondant » moisson chiche (Ac.). Prob. dér. du rad. onomatopéique tchitch- exprimant l'idée de petitesse (FEW t. 13, 2, p. 374a; BL.-W.5; cf. chichi) plutôt qu'empr. à un b. gr.   « un rien » (DAUZAT 1973), (gloses d'Hésychius, éd. M. Schmidt, t. II, p. 481, 54), lui-même empr. au lat. ciccum « membrane ténue » puis « un rien » (ERN.-MEILLET). Bbg. LEW. 1960, p. 174, 181 (s.v. chicheté).   RAT (M). Avare, grigou, pingre, etc. Vie Lang. 1968, pp. 311-312

 

 

* CHICHE2, subst. masc.
BOT. Pois chiche. Plante à fleurs blanches, cultivée dans le Midi, et dont les gousses contiennent chacune deux graines; p. méton., graine comestible de cette plante. Farine de pois chiches. Ils n'ont pas fini de manger des pois chiches dans les prisons du roi d'Espagne (
POURRAT, Gaspard des Montagnes, À la belle bergère, 1925, p. 284).
Prononc. et Orth. : [
]. Ds Ac. 1694-1932; Ac. 1718 enregistre la vedette au plur. : chiches avec la rem. : ,,n'a d'usage que joint avec pois : pois chiches``. Étymol. et Hist. 1244 (Itinéraire de Londres à Jérusalem, attribué à Matthieu Paris, X ds Itinéraires à Jérusalem, éd. H. Michelant et G. Raynaud, p. 132); cf. 1269-78 (pour indiquer une valeur très faible) (J. DE MEUN, Rose, éd. F. Lecoy, 9742). Altération, prob. sous l'infl. de chiche1*, de l'a. fr. cice « pois chiche » (cependant attesté un peu postérieurement,ca 1256, ALDEBRANDIN DE SIENNE, Régime du Corps, 71, 26 ds T.-L.), empr. au lat. cicer « id. ».

 

 

CHICHE3, interj.
Fam. Exclamation de défi lancé ou accepté :

1.   (...) Un vieux rossard (...) qui parle de s'aller plaindre au directeur? Au directeur?... Eh bien, allez-y! Chiche!
COURTELINE, Messieurs-les-Ronds-de-cuir, 1893, 4e tabl., 1, p. 129.

 Chiche que. Je parie que... :

2.   Il est beaucoup de façons de demander un service à une femme, plus tard vous saurez ça, dit-il d'un air dégagé. Mais avec Gina, je veux vous prouver que...Chiche, dit-il soudain, que je couche avec elle avant quinze jours.
 Chiche
, dis-je calmement.
ABELLIO, Heureux les pacifiques, 1946, p. 73.

 Expr. Être, ne pas être chiche de. Être, ne pas être capable de :

3. Rompons la paille, et ni vu ni connu.   Tu n'es pas chiche de mettre le marché à la main.
L.-F. L'HÉRITIER, Mémoires pour servir à l'hist. de la Révolution française, par Sanson, t. 2, 1830, p. 291.

Prononc. : [ ]. Étymol. et Hist. 1866 (DELVAU, p. 75 : Chiche! Exclamation de défi ou de menace,   dans l'argot des enfants et des ouvriers). Prob. abrév. de l'expr. ne pas être chiche de faire qqc. (1830, supra ex. 3), utilisée pour mettre au défi qqn de faire qqc., qui est elle-même un emploi partic. de chiche1* étymol. 2.
STAT.   Chiche1, 2 et 3Fréq. abs. littér. : 105.

mardi, 04 janvier 2011

Le télégramme (Yves Montand)

 


Yves Montand et Simone Signoret - Le télégramme

Essai sur l'origine des langues

  

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Dans l’Essai sur l’origine des langues  (1755), le philosophe Rousseau tente de discerner les raisons qui ont pu pousser les premiers hommes à parler. Il distingue la communication par gestes et par mots. Sa réflexion sur le langage ouvre la porte aux recherches de l'anthropologie des siècles suivants.

Rousseau suppose que « les besoins dictèrent les premiers gestes, et que les passions arrachèrent les premières voix ».  C’est l’idée que la langue primitive a pu être à la fois « un cri », un « chant », « une image » avant de devenir peu à peu rationnelle. Son hypothèse principale est que par cette langue, (comme avec la musique) les premiers êtres humains ont d’abord cherché à exprimer des émotions (peurs, colères, joies, rut), et qu’ils en sont venus bien plus tard à « la langue de convention »

Rousseau distingue clairement deux langues, une naturelle (primitive) comparée à celle des castors, et de l’ordre de l’inné, et un langage qui est de l’ordre de la convention, c'est-à-dire de l’acquis : mais il ne parvient pas à théoriser le lien entre les deux et le passage de l’une à l’autre.

« Les animaux ont pour cette communication une organisation plus que suffisante, et jamais aucun d'eux n'en a fait cet usage. Voilà, ce me semble, une différence bien caractéristique. Ceux d'entre eux qui travaillent et vivent en commun, les castors, les fourmis, les abeilles, ont quelque langue naturelle pour s'entre-communiquer, je n'en fais aucun doute. Il y a même lieu de croire que la langue des castors et celle des fourmis sont dans le geste et parlent seulement aux yeux. Quoiqu'il en soit, par cela même que les unes et les autres de ces langues sont naturelles, elles ne sont pas acquises ; les animaux qui les parlent les ont en naissant, ils les ont tous, et partout la même ; ils n'en changent point, ils n'y font pas le moindre progrès. La langue de convention n'appartient qu'à l'homme. Voilà pourquoi l'homme fait des progrès soit en bien soit en mal, et pourquoi les animaux n'en font point. »

Lien vers le texte intégral de l'Essai sur l'origine des langues de Rousseau (1781)

vendredi, 17 décembre 2010

Le temps des médias n° 6 (corrigé)

Rappel : Vos notes sont disponibles sur Pronote. Celle qui est coéfficientée 1 correspond qu contrôle de connaissance, celle qui est coéfficientée 2 aux réponses aux questions, dont voici une proposition de corrigé.

Mardi 4 janvier 2011, un nouveau contrôle de connaissances vous sera proposé : 20 questions de difficulté variable et portant sur ce qui a été étudié durant le premier trimestre : la typographie, la sémiologie de l'image, l'histoire de la presse. Toutes les réponses se trouvent dans les cours ou les billets de ce blog.

 

Première question :

L’intérêt de ces trois adverbes est de mettre en lumière trois valeurs complémentaires de la presse, tel que l’idéal démocratique peut la définir en 1830, alors que le dernier roi légitime part en exil :

-          Librement rappelle évidemment l’article XI des droits de l’Homme, qui affirme comme « bien précieux » « la libre communication des pensées et des opinions.

-          Impartialement souligne l’idéal d’objectivité, tant dans l’information que dans l’analyse, que tout journal doit garantir à son lecteur.

-          Contradictoirement rappelle que dans la réalité, cette objectivité est aussi soumise à des points de vue contradictoires, qu’elle demeure, justement, un idéal. La presse d’opinion qui domine le marché en cette période de Restauration a vu s’opposer les légitimistes et les libéraux, et au XXème  siècle, entre la Croix et l’Humanité, se retrouve exprimée cette même et nécessaire contradiction, garante du pluralisme.

 

Deuxième question :

En abolissant par ordonnance la liberté de la presse, dans laquelle il voyait « un instrument de désordre et de sédition », le roi Charles X déclenche en juillet 1830 la colère de la bourgeoisie et du peuple parisien. Cette décision précipite sa chute.

 

Troisième question :

Durant la Monarchie de Juillet, de nouvelles attentes sont nées dans le public à l’égard de la presse : Emile de Girardin et, plus tard, Moïse Millaud ont successivement élargi leurs journaux (La Presse et le Petit Journal) à d’autres fonctions que la seule information : la mise en récit romanesque du fait-divers (l’affaire Troppmann est demeurée un exemple emblématique) et le roman-feuilleton ont contribué à la naissance de la presse à sensations ; à partir de la belle Epoque, un public élargi aux femmes et aux enfants a élargi les attentes, et une presse de divertissement a vu le jour (L’Epatant ou le Semaine de Suzette comme Le Vélo ou l’Auto en sont de bons exemples). La presse a ainsi contribué à la création d’une culture de masse de plus en plus active et répandue, culture de masse que les médias audiovisuels (radio puis télévision) ont contribué à alimenter.

 

Quatrième question :

Le risque de la création d’une pensée unique par les journaux peut avoir deux origines :

-          Une origine politique dans le cas ou un gouvernement autoritaire impose, par la censure, ses choix idéologiques aux différents organes de presse : en France ce fut le cas lorsque, devenu empereur, Napoléon Ier réduisit à quatre titres (Le Moniteur, le Journal des débats, la Gazette de France et le Journal de Paris) l’éventail des publications. En cas de guerre, l’armée se voit autorisée à exercer un contrôle absolu sur la presse : le « bourrage de crânes » qu’elle exerça durant la Première guerre Mondiale, et dont sortirent le Crapouillot et le Canard Enchaîné, peut s’assimiler à cette volonté de créer dans le public une pensée unique. Dans les deux cas, la pression est politique et s’exerce par le biais de la censure.

-          Une origine économique : Plus insidieuse, la création d’une pensée unique peut aussi être le corollaire de regroupement des moyens de communications de masse (presse écrite, stations de radios, chaînes de télévision, édition) en groupes planétaires et globaux. Le monopole de l’information étant alors placé entre quelques mains, son pluralisme est compromis : Ignacio Ramonet parle à ce propos d’un « cinquième pouvoir », qui n’a plus rien de citoyen.

 

Cinquième question :

 

On a pu parler de sacerdoce à propos de la presse en référence à son idéal défini dans l’article XI des Droits de l’Homme : comme le médecin, le professeur ou le prêtre, le journaliste, dans cette optique, occupe une fonction « sacrée » puisqu’il incarne dans le tissu social l’un des principes fondateurs de la République, à savoir la liberté. Des journaux comme le Père Duchesne peuvent témoigner de l’âpreté du combat révolutionnaire mené, et la formule du Figaro, « sans la liberté de blâmer, il n’est pas d’éloge flatteur » rappelle ce droit sacré. Le développement de la presse a accompagné l’instauration des idéaux démocratiques dans les esprits  et la progressive alphabétisation du peuple dans la France du XIXème puis du XXème siècle. Comme le souligne Zweig dans Le Monde d’Hier, la presse a aussi permis le développement chez les élites d’une culture  universelle, facilitant les échanges et les débats d’idées internationaux, à travers tous les conflits politiques qui façonnèrent l’Histoire du vingtième siècle.

A ce titre, elle peut bien en effet, comme Louis Blanc le déclara en son temps, avoir valeur de « magistrature et presque de sacerdoce » et constituer, depuis la célèbre formule de Tocqueville dans son livre De la Démocratie en Amérique, un quatrième pouvoir à part entière.

Dès sa naissance, simultanément, la presse fut aussi industrieuse, de la presse à bras du XVIème siècle à la rotative moderne ; le terme industrie, sous la plume de Thibaudet, est d’abord à entendre au sens le plus commun : l’imprimerie est une technique, une technique couteuse qui peut aussi devenir rentable, et les journalistes comme les patrons de presse doivent d’abord gagner leur vie. Mais il peut aussi se doter d’une connotation péjorative, si l’on songe à cette presse devenue simple « marchandise », et soumise au diktat de la rentabilité. Les grands magnats de son histoire, de Girardin à Lazareff ont tous incarné cette étrange double nature, où se mêlent exigence éthique et souci du pragmatisme. De même, l’opposition toujours vive entre l’homme de lettres soucieux de style et le reporter ou le journaliste soumis à des cadences et des rythmes industriels a toujours été là pour nous rappeler cette double nature structurelle, entre sacerdoce et industrie.