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lundi, 05 juillet 2010

Bébé Cadum

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Le bébé  Cadum naquit à Paris en 1910, de la main du peintre Arsène-Marie Le Feuvre, «coqueluche de la peinture officielle», à qui Michaël Winburn,  un richissime homme d'affaires et publicitaire américain, et Louis Nathan, pharmacien à Courbevoie, avaient confié la création du symbole de la marque (en particulier celui de la nouvelle savonnette à l’huile de cade). Les premiers murs peints datent de 1912 ; Le jeune fils de la célèbre danseuse américaine, Isadora Duncan (1), mourut l'année suivante, noyé avec son frère et sa gouvernante, tous prisonniers d’une voiture tombée dans la Seine : le bruit courut que le bébé Cadum etait mort. La légende voulait en effet que pour la publicité du Savon Cadum, le peintre se fût inspiré de l’image de cet enfant qui ne grandirait donc plus jamais : Et pour répondre aux rumeurs, Cadum mit des inserts dans la presse :« Regardez les bébés Cadum vivants ! et vous emploierez ce savon. Les bébés Cadum n’existent pas seulement sur les célèbres affiches. Ils sont des millions autour de vous, dans la vie ! Admirez leur mine fraîche ! (...) » Robert Sabatier écrivit dans son roman  Les allumettes Suédoises en 1969: « Depuis longtemps, Olivier s’amusait à lire les murs comme un livre d’images. On voyait des bébés partout : celui tragique du bébé Cadum. On disait que le bébé reproduit était mort peu de temps après et que sa mère pleurait en le voyant sur tous les murs ».


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« Du haut d’un immeuble, Bébé Cadum magnifiquement éclairé, annonce des temps nouveaux. Un homme guette à sa fenêtre. Il attend. Qu’attend-il ?

Une sonnerie éveille un couloir. Une porte cochère se ferme. Une auto passe.
Bébé Cadum magnifiquement éclairé reste seul, témoin attentif des événements dont la rue, espérons-le, sera le théâtre. »

(Robert Desnos, La Liberté ou l’amour)

 

En parallèle, de nombreuses stars de l'époque apparurent dans la presse afin de vanter les mérites de ce nouveau savon : Au sortir de la guerre, l’image du bébé Cadum était sur tous les murs de Paris et la marque de produits médicinaux (savon, dentifrice, shampooing...) remporta un franc succès : tout ce qui touchait de près ou de loin à la natalité, en ces moments de forte mortalité, était particulièrement  porteur. Comme un «petit Jésus des années folles», le bébé sacré, icône de la publicité naissante et bientôt triomphante, accompagna donc l'entre-deux-guerres. Gabrielle Robinne, Régina Badet, Pepa Bonnafé, Huguette Duflos et bien d'autres recommandèrent le savon Cadum.  La tête du bébé Cadum s’affichait sur 17 mètres de haut sur de nombreux murs. La danseuse de Music Hall fit à nouveau la promotion du savon dans le journal l’Illustration : « Mlle Mistinguett dit : Je ne me rappelle pas avoir employé un savon qui m’ait procuré une sensation aussi agréable que le Savon Cadum. » Un professeur de publicité à H.E.C., Mr Dupuy rédigea plusieurs articles d’énervement face à cette image envahissante du bébé Cadum dans la rubrique « Les Affiches Nouvelles » de la revue « Vendre ».

En 1927, Robert Desnos dans La liberté ou l'amour (paru aux éditions du Sagittaire) fit de Bébé Cadum le héros d'une parodique épopée. Dans ce texte surréaliste, l'enfant bouclé affrontait une autre icône publicitaire, Bibendum, le bonhomme-pneu de Michelin : « A l'âge de vingt-et-un an Bébé Cadum fut de taille à lutter avec Bibendum. ... La rencontre eut lieu dans une plaine désertique. Bébé Cadum rieur se détachait sur le ciel bleu ardent et sur le sol rougeâtre. Les pneus s'enroulèrent autour de lui comme un reptile et l'immobilisèrent. »

 

Au fil des années, le public a pu tisser une vaste toile de rumeurs et de fantasmes quant à la réelle identité du bébé Cadum. L'étrange phénomène a touché la France entière. Tout un chacun a eu, à un moment ou à un autre, sa petite idée sur l'origine, l'identité ou le destin du bébé Cadum.  En 1956, un grand article parait dans France Dimanche  sous le titre « Le bébé Cadum, c'est moi ». Arsène Le Feuvre Fils, fils du peintre, se déclarait persuadé être le bébé Cadum : «  J'avais déjà 27 ans quand mon père eut son idée de génie. Il alla rechercher dans les vieux albums de famille toutes les photos de moi étant enfant et c'est d'après l'une d'elles, prise alors que j'avais un an, qu'il dessina le bébé Cadum. » Le fils du directeur de Cadum de l’époque, Herbert Michaëlis, un certain Charles âgé alors, lui, de 2 ans, revendiqua aussitôt l’identité du bébé.  De nos jours, l’entreprise continue de recevoir un important courrier de personnes convaincues que leur père ou grand-père était le modèle du fameux bébé Cadum.

Depuis 1924, l’élection du Bébé Cadum de l'année est un événement populaire. Ce concours, dorénavant organisé par la société Magicmaman en partenariat avec la sté Cadum, est  présidé en 2010 par Chantal Thomass et animé par Olivier Minne, est ouvert à tous, sans aucun critère de beauté. Le jury est composé de personnalités telles que Chantal Thomass, Corinne Touzet, Patrice Carmouze, Bernard Montiel ... qui ont pour mission de choisir le lauréat parmi la dizaine de finalistes arrivés en fin de sélection.

Au 5 boulevard Montmartre dans le deuxième arrondissement de Paris se trouve un mur publicitaire représentant le bébé. Il a été restauré une première fois  pour les besoins d’un documentaire (2) tourné en 1997

Photos : Le mur Cadum du bd Montmartre, avant et après réfection.

(1) : Isadora Duncan mourut le 14 septembre 1927, à Nice, étranglée par le voile qu'elle portait et qui fut pris dans les rayons de la roue de l'automobile Amilcar GS 1924 de son ami Benoît Falchetto. Elle a été incinérée et ses cendres reposent au Cimetière du Père-Lachaise auprès de celles de ses enfants.

(2). Bébé Cadum, documentaire de Jean-François Comte, 55 minutes, 1997). Ce film est ponctué de plusieurs plans montrant les différentes étapes de la restauration. La restauration définitive, réalisée en avril 2009 (c'est indiqué en bas du mur) est une pure réussite.

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