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dimanche, 16 mai 2010

Mac Luhan

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Né le 21 juillet 1911 à Edmonton (Alberta), le Canadien McLuhan fait des études d'ingénieur puis de littérature moderne à l'université de Manitoba. Lors d'un séjour à Trinity University (Cambridge, Massachusetts), où il lit James Joyce, Ezra Pound, T. S. Eliot, au début des années 1930, il se convertit au catholicisme. Professeur de littérature, il s'intéresse aux problèmes du symbolisme et leur consacre une thèse en 1943. Sa carrière universitaire, brillante et diverse (il enseigne à Wisconsin University, puis à Assumption College, Saint Louis, et finalement à Toronto, où il a dirigé le Center for Culture and Technology), se caractérise, jusqu'en 1962, année de la parution de La Galaxie Gutenberg, par la prédominance d'un thème de réflexion : les conséquences et les modes des processus de communication de la pensée et des émotions par les médias.

Pour McLuhan, les médias qu'une société utilise dans le processus de communication déterminent la personnalité de base et le comportement de l'homme de cette société (est medium toute extension de l'homme : livres, vêtements, automobiles ; l'homme emprunte ces médias pour prolonger ses sens). La transformation-révolution de l'instrument de communication entraîne une révolution dans le processus de perception et dans la nature humaine elle-même. Dans le développement du processus de communication, on peut distinguer trois étapes : le stade primitif de la société sans écriture, dans lequel l'usage de la parole fait prédominer l'ouïe ; la « galaxie Gutenberg », où l'imprimerie multiplie les informations visuelles mais parcellise l'information et la nature humaine (ce qui entraîne le travail à la chaîne, le nationalisme en politique, etc.) ; la « galaxie Marconi » ou ère électronique, qui propose un message simplifié mais global et reconstitue la famille humaine en une seule « tribu mondiale ».


La lecture de McLuhan est toujours déconcertante : son style et sa typographie suivent le cheminement de sa pensée, la page est prise comme un tout plutôt que comme un cheminement d'idées. Ainsi, dans La Fiancée mécanique (The Mechanical Bride, Folklore of Industrial Man, 1951), propose-t-il un commentaire sur cinquante publicités publiées dans des revues.

Allant plus loin, McLuhan affirmera que le medium en soi est le message (The Medium is the Message, 1967, traduit sous le titre de Message et massage) et que notre tâche la plus urgente aujourd'hui est d'apprendre à contrôler les media avant qu'ils ne nous dominent et nous détruisent : Pour comprendre les médias (Understanding Media, 1964) ; Guerre et paix dans le village planétaire (War in the Global Village, 1968 ; D'œil à oreille, 1977).

 

La Galaxie Gutenberg :

À grands renforts de références littéraires, l'ouvrage s'organise selon une suite de 320 paragraphes qui, rapprochant époques et thèmes éloignés les uns des autres, ont chacun pour ambition d'éclairer un aspect d'une « mosaïque » historique d'événements simultanés, sans impératif linéaire ou chronologique.

Rendu ainsi difficilement résumable, l'ensemble est néanmoins sous-tendu par l'hypothèse selon laquelle l'apparition successive des médias, au sens général de technologies de diffusion et de transmission, engendre des modifications du dispositif sensoriel et intellectuel de l'homme, elles-mêmes à l'origine des changements complets que celui-ci opère dans son environnement. L'humanité serait ainsi passée par trois grands âges médiatiques, qui forment les articulations principales de l'ouvrage.

Le premier d'entre eux, l'âge tribal, se rapporte à la communication naturelle des civilisations archaïques qui, reposant essentiellement sur une culture de l'oralité, mobilisent prioritairement l'expérience du sens auditif. La découverte de la parole conduit l'homme à organiser et à traduire les opérations des autres facultés selon les schèmes propres à cette dernière.

L'adoption de l'alphabet phonétique marque une première rupture avec la fonction monopolistique que ce sens prend chez l'homo loquens, en invitant, par la transformation des sons en symboles, à une analyse qui privilégie l'espace et la surface. À ce facteur décisif, qui annonce déjà le primat du visuel, s'ajoutent une série d'éléments qui sont autant de jalons utiles à l'exploration de l'histoire que l'auteur entreprend ensuite, de l'Antiquité grecque à la fin du Moyen Âge. De cette fresque se dégagent nettement le développement d'un idéal de répétition et d'uniformité ainsi que la raison classificatoire et l'esprit de quantification qui animent progressivement les arts de la mémoire et le traitement des flux croissants d'informations.

Mais c'est surtout à la découverte de l'imprimerie que la civilisation doit son entrée dans un autre âge, celui de la « galaxie Gutenberg ». Cette découverte signe alors le passage du « monde magique de l'ouïe au monde indifférent de la vue ». Partant de l'exclusivité donnée à la vision, la mise en ligne industrielle de la pensée institue un ordre perceptif plus général. La séparation, la dichotomie et la segmentation en unités stéréotypées, homogènes et reproductibles forment ainsi les thèmes d'une partition que déclineront ensuite les variations autour des motifs fonctionnels, mécanistes et centralistes. La perspective en peinture, le nationalisme en politique, l'unité de ton en littérature ou encore les méthodes de calcul en pédagogie et la chaîne de montage dans l'industrie donnent une idée des multiples formes et de l'ampleur définitive du phénomène typographique.

Présenté en introduction comme « peut-être le meilleur des prologues pour le lecteur », le dernier chapitre est consacré aux avatars électroniques que connaît cet âge de l'imprimé. Avec la découverte de l'espace courbe en 1905, la « galaxie Gutenberg » laisse la place à la « galaxie Marconi », qui joue, à partir du toucher, sur l'ensemble du clavier sensoriel. Grâce à la fée électricité, les médias et, en premier lieu, la télévision invitent l'homme-machine, solitaire et aliéné de l'ère passée, à sa propre renaissance, à un plein engagement dans le monde et à des relations instantanées avec ses semblables. Il participe désormais d'un tout organique, un « village global » qui renoue in fine avec le tribalisme des origines.

Autant l'ouvrage valut à son auteur une notoriété immense et immédiate dans les pays anglo-saxons, où il devint un véritable phénomène de mode, autant l'accueil qu'on lui réserva en France fut plutôt froid. Les critiques portèrent tant sur sa forme que sur son contenu. Donnée comme « le seul moyen efficace de faire apparaître les opérations causales en histoire », la « méthode mosaïque » répond pourtant mal, malgré la référence à Claude Bernard, aux exigences de la logique argumentative, aux règles classiques d'administration de la preuve et au principe de non-contradiction. Témoignant d'une démarche excessivement empiriste, plus littéraire que scientifique, La Galaxie Gutenberg repose sur une technique d'écriture qui pratique le mélange des genres et des références, de la citation savante au calembour et à l'anecdote, et où les allusions, les analogies, les métaphores et les associations libres semblent tenir lieu de démonstration.

Par ailleurs, bien que nul n'ait contesté vraiment l'hypothèse d'une connexion forte entre l'imprimerie et notre civilisation, l'évolutionnisme qui sous-tend sa mise en œuvre déplut, tant par ses ambitions théoriques démesurées évoquant les anciennes synthèses sociologiques (Auguste Comte, Oswald Spengler...) que par la surestimation du facteur technologique. De même, tout en soulignant l'intérêt de relier le contenu du message à la forme variable qu'il prend selon le support de diffusion choisi, on contesta l'idée de réduire pour chaque âge le pouvoir d'action du médium à un seul sens, au détriment d'un bouleversement plus global du système perceptif.

Référence néanmoins incontournable, l'ouvrage trouvera, dans Pour comprendre les médias, un prolongement avec les développements consacrés à l'âge électronique, l'analyse prenant une tournure prophétique et utopique dans Guerre et paix dans le village planétaire (1968).

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