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dimanche, 30 mai 2010

Les débuts de la télévision

En mars 1925, à la Royal Institution de Londres, l'Écossais John Logie Baird (1888-1946) fait la première démonstration publique d'un système de télévision permettant la transmission à distance d'images animées d'une définition de 30 lignes. L'ensemble parait très rudimentaire, il permet pourtant de transmettre le visage d'une personne se trouvant dans une autre pièce. L'exploration de l'image à émettre ainsi que sa restitution à l'arrivée sont effectuées par un système mécanique (breveté par l'Allemand Paul Nipkow en 1883) utilisant de chaque côté un disque tournant percé d'une série de trous disposés le long d'une spirale. . Il constitua la première société de télévision au monde, Baird Television Development Company, au capital de 500 livres, puis en fit la démonstration au public britannique, le 26 janvier 1926. La même année, en juin, l'Américain Charles Francis Jenkins fait également une démonstration d'un système de télévision. Pour l'exploration et la restitution des images, il utilise un système à miroirs tournants qui lui assure une définition de 45 lignes par image.

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La télévision mécanique suscitera l'intérêt des chercheurs et inventeurs durant une dizaine d'années dans de nombreux pays. Des émissions expérimentales ont lieu en 1928 aux États-Unis. En Grande-Bretagne, la B.B.C. réalise, à partir de 1929, des émissions régulières avec un système de Baird amélioré (image de 240 lignes). Mais le nombre de récepteurs ne dépassera pas le millier. La télévision mécanique révèle en effet bien rapidement ses limites : le nombre d'images à transmettre par seconde ainsi que leur définition pour un confort de vision acceptable nécessitent des dispositifs plus rapides. Parallèlement, d'autres chercheurs (dont Vladimir Zworykin) explorent des solutions entièrement électroniques, mettant en œuvre des tubes cathodiques, qui triompheront à partir de la fin des années 1930. Ainsi, la B.B.C. abandonnera, en 1936, le système de Baird au profit d'un système électronique à 405 lignes et 25 images par seconde de bien meilleure qualité.

Avec les écrans cathodiques utilisés à partir des années 1930, la lampe au néon est abandonnée au profit d'un faisceau d'électrons. Ce faisceau balaie chaque ligne de l'écran en 52.microsecondes. Éteint, il met ensuite 12.microsecondes pour se replacer au début de la ligne suivante : c'est la durée de suppression. L'écran est ainsi balayé au rythme de 25.images par seconde. Les images des premiers téléviseurs sont en noir et blanc. Un signal vidéo permet la restitution de l'image. Les variations de ce signal, dit de luminance, permettent la recomposition de l'image. Les différents niveaux de gris correspondent à une tension déterminée du signal : le noir correspond à une tension de 0,3.volt et le blanc à une tension de 1.volt. Les informations de service, comme le changement de ligne, sont contenues dans la partie du signal comprise entre 0 et 0,3.volt.

La restitution d'image en couleurs repose sur la synthèse additive des couleurs. Une image en couleurs est décomposée en trois informations : une rouge, une bleue et une verte.
Il existe plusieurs systèmes de codage pour l'information vidéo couleurs. Chaque système utilise un standard particulier. Mais le principe général reste identique. L'image est restituée à l'aide des trois canons à électrons contenus dans un téléviseur couleurs. L'information sur la luminance et la chrominance est interprétée, puis un faisceau d'électron par couleur est envoyé vers les luminophores qui tapissent l'écran. Chaque faisceau active plus ou moins les luminophores qui lui correspondent. Chaque série de trois luminophores est simultanément activée pour permettre la restitution de la couleur d'un point de l'image. De proche en proche, l'image est ainsi reconstituée.

Si le premier ministre anglais MacDonald parle en 1930 de miracle extraordinaire, le public ne suit pas puisque qu'en 1931, Baird a vendu moins de 1000 téléviseurs. Cela ne l'empêche pas de réaliser, en collaboration avec la BBC, de permiers programmes dignes de ce nom : théâtre, avec une pièce de Pirandello, retransmission de derby en direct.

Le 14 avril 1931, l'ingénieur français René Barthélemy réussit pour la première fois en France à retransmettre une image de 30 lignes entre Montrouge et Malakoff en banlieue parisienne. Directeur du centre expérimental de Montrouge, Barthélemy a développé un procédé de télévision qu'il ne cessera de perfectionner. Quatre ans plus tard il réalisera la première émission régulière de télévision française.

 

Détail des événements :

Ernest Chamond et Jean Le Duc, épatés par la démonstration de Baird, décident alors de créer un laboratoire de recherches sur la télévision à la CdC, Jean Le Duc en est nommé directeur. Il charge alors René Barthélemy de l'ensemble des recherches; un local est spécialement aménagé pour cela. A ce moment là René Barthélemy a 39 ans, il est atteint d'une pénible maladie, des rhumatismes déformants qui l'obligent à s'appuyer sur des béquilles. Malgré cela il ne cesse de chercher à mettre au point son système de télévision mécanique à 30 lignes inspiré de celui de Baird, aidé de ses deux collaborateurs MM Strelkoff et Marius Lamblot. Une des plus grosses difficultés est la synchronisation de la caméra et du récepteur. Il fallait faire vite car un autre chercheur français, Henri de France poursuit les mêmes travaux et John Baird entend bien imposer son système.

Fin 1929 la petite équipe obtient des images, le premier " studio " est aménagé toujours dans les locaux de la CdC à Montrouge, c'est une pièce de 4 mètres sur 4.

La caméra n'est plus construite autour d'un disque de Nipkow mais d'un tambour à miroirs jugé plus efficace. Il s'agit d'un cylindre sur lequel sont fixés des miroirs, l'ensemble mis en rotation par un moteur électrique réfléchi la lumière d'une puissante lampe vers le sujet à " téléviser " ( qui doit être dans l'obscurité ) sous forme d'un faisceau dessinant des lignes grâce au mouvement des miroirs. En effet puisqu'un principe de " découpage " de l'image est utilisé il est inutile d'éclairer entièrement le sujet, c'est le système du " point lumineux mobile " ou " flying spot ". La lumière réfléchie par le sujet vient alors frapper quatre cellules photo-électriques. Cette caméra est  tellement bruyante qu'elle est séparée du sujet par un mur percé d'une petite fenêtre devant laquelle une personne peut glisser sa tête, car pour l'instant  on se contente de reproduire des visages la définition restant assez faible ( toujours 30 lignes ).

 

La personne doit s'asseoir dans un fauteuil tournant dont le dossier est prolongé d'une planche de bois pour s'y caler le dos de manière à ce que sa tête reste bien en face de l'ouverture, de plus le maquillage doit être très contrasté, on applique du blanc sur tout le visage, du bleu pour les pommettes du noir pour les yeux et les lèvres. C'est Mme Suzanne Bridoux secrétaire à la CdC qui prendra ce rôle pour les démonstrations.

La petite équipe de la CdC a également réussi à fabriquer un télécinéma, appareil fonctionnant avec un disque qui permet de transformer en signaux de télévision une bande de film normalement destinée à être projetée.

Au début de l'année 1931, M.Paul Janet directeur de l'Ecole Supérieure d'Electricité de Malakoff,  propose à René Barthélemy d'organiser une démonstration publique en installant un récepteur dans l'amphithéâtre de l'école. René Bathélemy est sceptique, il y a toujours un risque que l'expérience se passe mal d'autant que la liaison radio qu'il faut établir depuis le studio complique les choses. Il fini par accepter mais, doutant de la fiabilité des équipements, il voulut un nombre limité de spectateurs. Les invitations furent envoyées à un nombre restreint de personnes du monde scientifique; la démonstration était prévue pour le 14 avril 1931 à 20h00. Ses expérimentations sur un système à 60 lignes étaient déjà avancées mais il préféra utiliser ses équipements en 30 lignes beaucoup plus aboutis.

On installa donc un émetteur de 50W et une antenne à la CdC pour transmettre l'image jusqu'à l'école distante de 2 kilomètres. Huit jours avant la démonstration un premier journal annonça l'expérience, puis tous relayèrent l'information, c'est alors que des milliers de personnes demandèrent à assister à la démonstration, cela inquiétait René Barthélemy car la répétition générale du 11 avril s'était mal passée, en cas d'échec il y aura des témoins ! Le jour fatidique est arrivé, l'image apparaît sur un écran en verre dépoli de 30 par 40 centimètres, pour améliorer la visibilité, trois miroirs ont été fixés sur le mur. 800 personnes se sont présentées pour seulement 300 places disponibles dans l'amphithéâtre, le hall est bondé. René Barthélemy explique le fonctionnement du système au tableau noir puis les lumières sont éteintes et l'on peut voir sur l'écran Suzanne Bridoux sourire, se poudrer, utiliser un éventail puis annoncer un petit film " L'Espagnole à l'éventail " le télécinéma est alors mis en marche.

L'assistance est emballée malgré la mauvaise qualité de l'image comparée au cinéma, il faudra faire deux séances supplémentaires pour que tout le monde puisse voir. Pour René Barthélemy c'est la consécration mais la concurrence est toujours là, en février 1932 c'est maintenant Henri de France qui réussit plusieurs transmissions entre Fécamp et le Havre, John Baird, en organise une le 19 avril entre les locaux du journal " Le Matin " et les galeries Lafayette en vue d'imposer son système. Il est maintenant temps pour la France de choisir un standard, en novembre 1932, à la demande du ministre des PTT, Camille Gutton, directeur du Laboratoire National de Radioélectricité, est chargé de départager les trois candidats. Le système Barthélemy est préféré à celui de Baird car les images sont jugées plus stables quant à Henri de France il fini par renoncer à faire une démonstration devant la commission.
Le vainqueur se vit attribuer un local technique au 93 rue de Grenelle, tout près de l'émetteur de l'école supérieure des PTT situé au 103 de la même rue, qui sera utilisé pour transmettre les images, en petites ondes, sur 430 mètres. Ce service de télévision expérimental débuta en décembre 1932, les émissions avaient lieu le jeudi de 15 à 16 heures. Au départ la prise de vue était encore faite dans les locaux de la CdC, la modulation était acheminée rue de Grenelle par une ligne téléphonique. Le nombre de récepteurs est officiellement de 6, un seul appartient à un amateur, les autres sont utilisés au studio ou par les administrateurs de la CdC. Ensuite quelques dizaines de passionnés assemblèrent des appareils à partir de « kits »  vendus dans le commerce. Le local de Grenelle fut aménagé en studio, on y installe un piano et des artistes bénévoles, poussés par la curiosité, viennent s'y produire.

 

Barthélemy continue ses travaux en vue d'améliorer la définition de l'image, toujours en utilisant des procédés mécaniques. Pourtant l'idée d'une télévision entièrement électronique se dessine de plus en plus, ça semble être la technologie idéale car les systèmes mécaniques aussi pointus soient-ils ont des limites infranchissables. On connait déjà les tubes cathodiques pouvant servir à la reproduction des images et en 1933, la firme américaine RCA commence à fabriquer un tube de prise de vue qui promet une définition jamais égalée : l'iconoscope. Sont brevet fut déposé dix ans plus tôt par Wladimir Zworykin, émigré russe aux Etats Unis, il a été l'assistant du physicien Boris Rosing de l'institut  technologique de St-Pétersbourg dont il a repris les théories avant-gardistes en matière de télévision.
René Barthélemy en est conscient mais souhaite conserver pour l'instant l'analyse mécanique fruit de tant d'années de recherches.

 

Au début de l'année 1935, Georges Mandel tout nouveau ministre des PTT, découvre lors d'un dîner chez un ami, un « récepteur vision ».Il ne connaît rien sur cette technique alors que c'est son ministère qui la finance; intéressé il décide de combler ses lacunes en rendant visite à la CdC.  René Barthélemy et son équipe furent troublés par cette visite, le ministre a demandé des démonstrations, il a voulu tout se faire expliquer mais est resté très froid. Pourtant Georges Mandel veut un service officiel de télévision, il prend des décisions rapides car il craint pour sa place à la tête du ministère et veut que tout soit prêt avant sont éventuel départ. L'amphithéâtre de l'Ecole Supérieure des PTT (103, rue de Grenelle ) sera utilisé comme studio, un émetteur est prévu à la tour Eiffel, la définition devra être de 180 lignes à terme. La caméra mécanique 180 lignes n'est pas encore achevée, seul le télécinéma fonctionne déjà à cette définition, il y a du travail pour René Barthélemy et son équipe pour tenir les délais !

On aménage le studio, cette fois si l'équipement permettra de jouer des pièces de théâtre et des danses. Le 26 avril 1935 à 20h30 c'est le démarrage officiel, près de 1000 privilégiés y assistent, personnalités, journalistes, et industriels... La comédienne Béatrice Bretty inaugure la première émission de télévision en y racontant ses souvenirs d'une tournée de la comédie française en Italie. C'était le démarrage officiel mais pas le début du service régulier pour autant car tout n'est pas prêt, l'image a seulement 60 lignes. En octobre on pose le câble coaxial de 2500 mètres entre le studio et la tour Eiffel, l’émetteur est construit par LMT ( Le Matériel Téléphonique ), il a une puissance de 2kW et émet sur 37.5 MHz.

 

Au début de la guerre, la télévision britannique a réellement démarré, avec 25 000 postes installés et des programmes réguliers. Le 24 février 1950, la pièce de Marivaux Le Jeu de l'amour et du hasard est retransmise en direct sur l'unique chaîne de télévision, depuis la Comédie-Française. La réalisation est assurée par Claude Barma.

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