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samedi, 04 décembre 2010

Agence Havas

L'agence Havas est fondée en 1835 par l'ancien banquier Charles-Louis Havas (Rouen, 1783- Bougival- mai 1858), sous le nom d'« Agence des feuilles politiques, correspondance générale ». L'activité d'origine de cette petite entreprise parisienne consiste à traduire et importer les nouvelles données par les journaux étrangers, et à compiler celles données par les journaux français. C'est ainsi que naît le métier d'« agencier papier ».

Sous la Monarchie de Juillet (1830-1848), Charles-Louis Havas a développé avec ardeur son activité de manière à se rendre indispensable à l'ensemble de la presse parisienne. En 1838, le gouvernement l'a chargé de lui confectionner une « correspondance ministérielle » pour tenir informés les agents de l'État, dessinant les prémices des relations étroites entre l'État et l'Agence. Le réseau de correspondants à l'étranger s'étendit, les moyens les plus rapides furent employés pour transmettre les informations. L'Agence des feuilles politiques était ainsi en pointe pour l'utilisation du télégraphe, dès 1845.

 On a dit que l'agence de presse est le produit du télégraphe. Havas a, en fait, devancé les découvertes techniques qui accéléreront la transmission des nouvelles. Il a utilisé tour à tour la lettre, avec le « hors-sac » diligence, chemin de fer ou bateau, le pigeon voyageur et le télégraphe Chappe.

Ce qui est sûr, en revanche, c'est que les innovations d'Havas ont précipité le passage de la presse d'opinion à la presse d'information, le recours à la publicité faisant le reste. Balzac, qui le regrettait, ne s'y est pas trompé ; qualifiant Havas de « Maître Jacques de la presse », il ajoutait : « Chacun teint en blanc, en vert, en rouge ou en bleu la nouvelle que lui envoie M. Havas... Il n'y a qu'un journal, fait par lui, et à sa source puisent tous les journaux»

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En 1852, Charles-Louis Havas cède la place à ses deux fils, Charles-Guillaume et Gustave. Ils développeront en 1855 une nouvelle activité, plus lucrative que l'information : la publicité. Pour réduire les coûts, ils passeront des accords de partage du monde avec deux concurrents, anciens employés de leur père : Julius Reuter qui s'est installé à Londres, et Bernhard Wolff qui est à Berlin.

En 1879, à la retraite d'Auguste Havas, l'entreprise perd son caractère familial pour devenir une Société Anonyme (SA). C'est l'époque où la presse connaît un développement rapide, notamment en France grâce à la loi du 29 juillet 1881, dite loi Hébrard. Les moyens techniques qui permettent d'acheminer l'information progressent aussi. Havas investit dans le téléphone, le téléscripteur et les ondes longues radio. En 1896, l'agence Havas s'installe place de la Bourse, à Paris, dans l'immeuble occupé aujourd'hui par l'agence France-Presse.

Dans les années 1930, une nouvelle révolution technologique, les ondes courtes améliorent encore les communications, à tel point que les accords entre agences de presse sont rompus, chacune développant son propre réseau. Les investissements sont lourds, et le gouvernement français trouve son intérêt à en financer une partie estimée à plus de 47 %, car le réseau de Havas participe à la présence française à l'étranger dans un contexte international tendu.

Lorsque la France est envahie par l'Allemagne en 1940, l'agence perd son indépendance. La branche publicité reste dans le privé, sous le nom d'Havas, et la branche information passe dans le giron du Régime de Vichy sous le nom d’Office français d'information (OFI).

Lors de la Libération de Paris, le 20 août 1944, des journalistes membres de la Résistance s'emparent de l'OFI. Ils émettent la première dépêche d'une agence libre qui prendra le nom d'agence France-Presse (AFP) le 30 septembre 1944 et sera dotée d’un statut spécial définitif par la loi du 10 janvier 1957. Cette loi garantit à l'A.F.-P.  une indépendance réelle par rapport au pouvoir politique de par la composition du conseil d'administration et l'élection de son président. Le président-directeur général de l'Agence est élu pour trois ans renouvelables par le conseil, qui est lui-même constitué de représentants des entreprises de la presse écrite (huit) et audiovisuelle (deux), de représentants de certains services publics (trois) et du personnel de l'Agence (deux). De son côté, l'agence Havas de publicité est nationalisée. Elle se lancera dans le tourisme et étendra ses activités à différentes formes de communication avant d'être privatisée en 1987 pour prendre la dénomination de Havas S.A

Depuis 1957, l'Agence a eu pour présidents successifs Jean Marin (1954-1975), Claude Roussel (1975-1978), Roger Bouzinac (1978-1979), Henri Pigeat (1979-1987), Jean-Louis Guillaud (1987-1990), Claude Moisy (1990-1993), Lionel Fleury (1993-1996), Jean Miot (1996-1999), Éric Giuly (1999-2000), Bertrand Eveno (2000-2005) et, depuis 2005, Pierre Louette. Présente dans 165 pays où elle entretient 110 bureaux et plus de 50 correspondants locaux, l'Agence dispose de 2 900 collaborateurs (journalistes, pigistes, photographes…). Pour satisfaire ses 7 000 clients dans le monde (presse écrite, radios, télévisions, agences de presse nationales, entreprises…), elle diffuse en six langues : français, anglais, espagnol, portugais, arabe et allemand. La part de l'administration française dans son chiffre d'affaires demeure toutefois prépondérante (40 p. 100 en abonnements des ministères, préfectures, ambassades…). L'A.F.P. couvre, dans tous les domaines, l'ensemble de l'actualité nationale et internationale. Sa production de contenus prêts à l'emploi est distribuée sous forme de dépêches, de photos, d'infographies, mais aussi de documents pour le Web. La concurrence, extrêmement vive, entre les grandes agences généralistes est, depuis la fin du XXe siècle, rendue plus complexe par les nouvelles technologies de l'information. Ainsi, l'Agence, qui avait entrepris dans les années 1970 et 1980 un plan de modernisation (informatisation de la rédaction et des réseaux de collecte et de transmission, création d'une banque de données télématique, nouveaux services, fort développement de l'image, création d'un département audio et d'un département infographie), a dû faire preuve plus récemment de créativité pour diversifier et adapter son offre à l'heure de la révolution numérique : lancement d'un journal sur Internet en français (1996), en anglais et en espagnol (1999), d'un journal multimédia en chinois, en partenariat avec l'agence de Taïwan (2000), d'un service de production vidéo pour le Web (2001), d'un site d'informations interactif au Japon (2006).

Voici un texte de Balzac décrivant le fonctionnement de l'agence :

« Le public peut croire qu’il y a plusieurs journaux, mais il n’y a, en définitive, qu’un seul journal M. Havas a une agence que personne n’a intérêt à divulguer, ni les ministères, ni les journaux d’opposition. Voici pourquoi: M. Havas a des correspondances dans le monde entier; il reçoit tous les journaux de tous les pays du globe, lui le premier. Aussi est-il logé rue Jean-Jacques Rousseau, en face de l’Hôtel des Postes, pour ne pas perdre une minute.

Tous les journaux de Paris ont renoncé, pour des motifs d’économie, à faire, pour leur compte, les dépenses auxquelles M. Havas se livre d’autant plus en grand qu’il a maintenant un monopole, et tous les journaux, dispensés de traduire comme autrefois les journaux étrangers et d’entretenir des agents, subventionnent M. Havas par une somme mensuelle pour recevoir de lui, à l’heure fixe, les nouvelles de l’étranger. A leur insu, ou de science certaine, les journaux n’ont que ce que le premier ministre leur laisse publier… S’il y a vingt journaux et que la moyenne de leur abonnement avec M. Havas soit de 200 francs, M. Havas reçoit d’eux 4.000 francs par mois. Il en reçoit 6.000 du Ministère… Comprenez-vous maintenant la pauvre uniformité des nouvelles étrangères, dans tous les journaux! Chacun teint en blanc, en vert, en rouge ou en bleu la nouvelle que lui envoie M. Havas, le Maître-Jacques de la presse. Sur ce point, il n’y a qu’un seul journal, fait par lui, et à la source duquel puisent tous les journaux…

M. Havas, cette providence des journaux de Paris, est aussi celle des journaux de province. Presque toutes les feuilles de province appartiennent à des imprimeurs de l’Administration, et pour conserver leurs impressions, il faut être à la dévotion de M. le Préfet. M. le Préfet demande à M. le Ministre de l’Intérieur ce qui se doit penser dans son département… M. Havas est l’administrateur secret de la correspondance des départements à raison de 6.000 francs par mois… Ainsi, de même qu’il n’y a qu’un seul journal à Paris, il n’y a qu’un seul journal pour les départements. M. Havas est le prête-nom du Ministère. Voilà le mécanisme de cette immense machine appelée le journalisme. C’est simple comme une rôtissoire que fait tourner un caniche.

Nous expliquerons plus tard quels sont les cuisiniers charger d’épicer les plats, et vous verrez que le peuple qui se dit le plus spirituel du monde est celui qu’on dupe avec le plus de grossièreté. » (Revue Parisienne, n°2.)

 

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