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vendredi, 03 décembre 2010

Théophraste Renaudot

La fondation, en 1631, par Théophraste Renaudot (1586-1653) de La Gazette est considérée comme l'acte de naissance de la presse périodique française, même si un autre titre peut revendiquer une antériorité de quelques mois.[1] Si dans plusieurs pays européens – aux Pays-Bas depuis 1605 – circulaient des publications ayant toutes les apparences du journal, la France ne connaissait avant cette année-là que des feuilles volantes imprimées sans périodicité régulière.

 Théophraste Renaudot naquit en décembre 1586 à Loudun (actuel département de la Vienne) dans une famille protestante aisée puisque son père, protestant, est maître d’école et sa mère (Cécile Fourneau) est fille d’une famille bourgeoise. Sous la conduite de l’érudit Daniel Boulanger, il apprend le latin et le grec.  il entreprend des études de chirurgie à Paris, puis trois ans plus tard, il choisit de s'inscrire à la Faculté de Médecine de Montpellier qui est réputée avoir un enseignement plus attrayant et être plus accueillante aux protestants. A Montpellier l'enseignement préfigurait une médecine moderne dans lequel les médications s'appuyaient sur des produits chimiques, tandis qu'à Paris on enseignait encore une médecine traditionnelle dont les soins étaient fondés sur les trois S (le séné, le son et la saignée). En 1602, il contracte les écrouelles, une maladie qui lui laissa des cicatrices sur le visage.

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A vingt ans, le 12 juillet 1606, il est reçu Docteur en Médecine il est autorisé à coiffer le bonnet rouge. Théophraste Renaudot entreprend alors de voyager, en Espagne, en Italie, en Suisse et en Angleterre.

 Un Traité des pauvres lui valut en 1612 un premier brevet royal pour un projet de « bureau d'adresses ». En Poitou, Renaudot connut Richelieu, évêque de Luçon, réfugié près de Poitiers, et le père Joseph. En 1624, ses deux protecteurs firent confirmer ses brevets ; en 1626, Renaudot, qui s'était installé à Paris, se convertit au catholicisme. En 1629, il put enfin ouvrir dans l'île de la Cité, rue de Calandre, à l'enseigne du Grand Coq, son bureau d'adresses. À l'origine, il ne s'agissait que d'un bureau de placement officiel destiné à offrir du travail à la masse des gueux qui encombraient les hospices et les bas quartiers de Paris. Mais très vite ce bureau diversifia ses activités : ce fut une véritable agence de renseignements de tous ordres qui enregistrait les demandes d'emploi, les propositions de vente ou d'achat les plus diverses, les propositions de voyages à frais partagés, les déclarations de toute nature ; ce service de petites annonces eut un très grand succès, car il correspondait à un véritable besoin.

Ce constat conduisit Renaudot à obtenir de Louis XIII le privilège d'imprimer et de vendre les « nouvelles, gazettes et récit » de tout ce qui se passe au-dedans et au-dehors du royaume. Le premier numéro, non daté, parut vraisemblablement le 30 mai. De pagination continue permettant la confection de recueils annuels, et assortie de suppléments, La Gazette passa rapidement de quatre à huit pages. C'est sans doute en Italie qu'il avait découvert « la gazzetta », une monnaie vénitienne équivalente au prix du numéro d'une feuille qui paraissait à Venise au XVIe siècle. Elle n'insérait pas d'articles de fond, et ne livrait que des nouvelles sans commentaire. Son fondateur en fixa l'originalité : « L'histoire est le récit des choses advenues. La gazette seulement le bruit qui en court. »

Petit à petit, Renaudot élargit les activités de son bureau d'adresses. En 1631, il y installa sa Gazette et son imprimerie ; il y édita à partir du 1er juin 1632 sa Feuille du bureau d'adresses, véritable feuille d'annonces, décadaire puis hebdomadaire avant de reprendre, quelques années plus tard, la publication du Mercure français. De petit format (23 × 15 cm), de quatre puis huit et parfois douze pages, La Gazette n'était qu'un recueil de nouvelles et de documents officiels, sans commentaire. Les nouvelles de l'étranger y occupaient toujours au moins les deux tiers du texte imprimé. C'était une feuille officielle : elle servit à Richelieu d'instrument de propagande et d'organe pour l'expression de sa politique étrangère et intérieure.

 En 1633, deux ans avant la création de l'Académie française, en marge de ses activités de gazetier il ouvrit les conférences du bureau d'adresses, qui, consacrées à des sujets non politiques, étaient l'occasion de rencontres entre beaux esprits et d'échanges des informations; En 1637, un brevet vint consacrer les opérations « de grâce », prêts sur gage et vente aux enchères qui transformaient une partie du bureau d'adresses en une salle des ventes et en un mont-de-piété. Moyennant un intérêt modique pour les frais, on y prête sur gages et on y fait de la vente aux enchères. Ainsi naît le premier « mont-de-piété », suivant l'exemple du « monte-di-pieta » italien.

La même année, un autre brevet royal reconnaissait le dispensaire de soins gratuits que Renaudot avait créé avec l'appui de pharmaciens, de chirurgiens et de docteurs en médecine. La nouveauté de La Gazette lui valut un succès durable ; elle tira, semble-t-il, jusqu'à huit cents exemplaires dans les années 1640. Tous les ans, Renaudot publiait en livre ses Gazettes de l'année et, dans les préfaces de ces volumes, il sut remarquablement exposer les buts et les difficultés du journalisme : « L'histoire est le récit des choses advenues, la gazette seulement le bruit qui en court [...]. Je prie les princes et les États étrangers de ne point perdre inutilement le temps à vouloir fermer le passage à mes nouvelles dont le commerce ne s'est jamais pu défendre et qui tient en cela de la nature des torrents qu'il se grossit par la résistance. »

Commissaire général des pauvres du royaume, historiographe du roi, Renaudot, à l'apogée de sa carrière, créa en 1641 une succursale de son bureau d'adresses, rue Saint-Thomas aux galeries du Louvre. Mais ses activités lui avaient créé bien des ennemis, à Paris, au Parlement, qui supportaient mal de se voir imposer les « innocentes inventions » du protégé de Richelieu, et surtout à l'École de médecine, où les créations charitables et les enseignements originaux de Renaudot, suppôt de méthodes et de théories médicales contraires à l'enseignement scolastique, soulevaient l'indignation.

Après la mort de Richelieu en 1642 et de Louis XIII l'année suivante, privé de protection, Renaudot perdit toute une série de procès qui aboutirent en 1644 à la fermeture du bureau d'adresses. Renaudot, qui sut heureusement convaincre Mazarin de l'utilité de La Gazette, consacra la fin de sa vie à son métier de gazetier, malgré les multiples difficultés que la Fronde et ses crises entraînèrent, dès 1648, dans la publication de cette feuille officielle. Renaudot mourut en 1653 à demi ruiné, déçu par ses échecs, mais fier de pouvoir transmettre La Gazette à ses héritiers. Ses fils Isaac et Eusèbe continuèrent sa publication après la mort de leur père en 1653, et elle resta jusqu'en 1762 entre les mains de ses descendants. À cette date, Choiseul l'annexa au ministère des Affaires étrangères : elle prit le titre de Gazette de France et devint bihebdomadaire ; elle conserva jusqu'en 1789 son caractère officiel et le monopole de l'information politique. La Gazette de France, devenue un temps Gazette nationale de France, traversa sans éclat la Révolution et l'Empire. Après 1815, elle commença une longue carrière de quotidien monarchiste, légitimiste après 1830. La Première Guerre mondiale lui porta un coup fatal et elle disparut en septembre 1915 dans sa 285e année. En 1925, quelques journalistes fondèrent un nouveau prix littéraire, le prix Théophraste-Renaudot, qui, décerné tous les ans, perpétue le souvenir de leur illustre ancêtre.

 


[1] Le premier périodique français, Nouvelles ordinaires de divers endroits, naquit en janvier 1631 : il était édité par deux libraires parisiens, Jean Martin et Louis Vendosme, et son texte était pour l'essentiel la traduction de feuilles d'informations périodiques éditées dans les Pays-Bas ou en Allemagne 

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