Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

vendredi, 18 février 2011

Rober Ezra Park (1864-1944)

 

Si William I. Thomas doit être considéré comme l'inspirateur de l'école sociologique de Chicago, c'est Robert Park qui en devient la figure la plus marquante au cours des années 1920. Ce dernier n'entra pourtant à l'université de Chicago qu'à l'âge de quarante-neuf ans, après un parcours mouvementé. D'abord journaliste pendant une dizaine d'années, il avait éré ensuite l'élève de William James à Harvard, puis de Georg Simmel à Berlin. De retour aux États-Unis, il avait pris une part active au débat sur les relations raciales en devenant l'assistant du leader noir Booker Washington. Le problème des minorités ethniques demeura l'un des thèmes majeurs de son œuvre sociologique, et sa vision du monde urbain portait la marque des multiples expériences qu'il avait accumulées à la faveur de ses enquêtes-reportages.

Deux ans après son arrivée à l'université de Chicago, Park publia en 1915 son premier article (The City. Propositions de recherche sur le comportement humain en milieu urbain). Ce texte célèbre définit les grandes orientations théoriques et le programme scientifique de ce qui deviendra très vite l'école de l'écologie humaine.

« Laboratoire social » par excellence, la ville est pour Park l'objet d'étude privilégié du sociologue. En continuité plutôt qu'en rupture avec le travail du journaliste, les enquêtes ethnographiques doivent être multipliées pour en saisir l'infinie diversité. Simultanément, l'intelligence de ses principes d'organisation appelle une approche de type écologique, sur le modèle de l'écologie naturelle qui étudie les relations entre les différentes espèces animales et végétales présentes sur un même territoire. L'intention de Park est en effet de saisir dans toute leur complexité les rapports que les citadins entretiennent avec un milieu à la fois matériel et humain qu'ils ont eux-mêmes façonné, et qui se transforme en permanence.

Communauté humaine élargie qui se nourrit en permanence de nouveaux apports, la ville « est à l'homme civilisé ce que la maison est au paysan », selon le mot que Park reprend de Spengler. Elle doit être analysée à la fois comme un système d'individus et d'institutions en interdépendance, et comme un ordre spatial. Elle se compose d'une « mosaïque » de communautés et de groupes ayant chacun sa culture, son histoire et ses intérêts propres. Les citadins se distribuent dans l'espace de l'agglomération en fonction de processus de filtrage, de regroupement, de ségrégation, qui tout à la fois se fondent sur les diversités d'origines et d'appartenances, les réaménagent et produisent de nouvelles différenciations. La compétition économique pour l'espace produit ainsi des zones, des quartiers, des aires que Park qualifie parfois de naturelles  dans la mesure où elles se forment et se transforment indépendamment de tout plan concerté d'aménagement urbain.

Les unités de voisinage servent de cadre à de nouvelles formes d'enracinement, même précaires, dans des territoires et des réseaux. Aussi le quartier peut-il être considéré dans certains cas comme un véritable milieu de vie, justiciable d'une analyse proprement écologique. Tel est notamment le cas des ghettos et, d'une façon plus générale, de tous les quartiers où une minorité ethnique ou religieuse préserve ses liens communautaires et son identité à la faveur de processus qui mettent en jeu simultanément la recherche du semblable et l'exclusion par autrui. Il en va de même, dans une certaine mesure, pour les secteurs résidentiels suburbains où l'agrégation de ménages aisés, l'aspiration à un même mode de vie et le développement d'un fort contrôle social local tendent à réactiver les appartenances héritées tout en produisant de nouvelles identités collectives.

Toutefois la ville n'est pas seulement une mosaïque de micro-milieux et ne se réduit pas à la somme de ses quartiers. Elle est faite de tensions permanentes entre la mobilité et la fixation, entre le cosmopolitisme et l'enracinement local, entre la centralité et la vie de quartier. À la manière des espèces animales et végétales en situation de concurrence sur un même territoire, les espaces urbains et les communautés humaines qui les occupent se redéfinissent continuellement, selon des processus analogues à ceux identifiés par l'écologie naturelle (invasion, succession, symbiose, etc.). Seule une observation ethnographique des conduites et des mentalités permet de comprendre pleinement le sens de ces changements. Par exemple, les itinéraires résidentiels des immigrants sont la traduction spatiale du « cycle des relations raciales » qui, selon Park, conduit progressivement les nouveaux venus à l'assimilation. Tout en suscitant de nouvelles identités et de nouvelles appartenances, la grande ville tend à placer les relations sociales sous le signe de la mobilité, de la réserve et de la distance.

Aussi Park accorde-t-il une attention particulière aux figures de l'étranger, de l'immigrant, de l'« homme marginal » (titre d'un article de 1923), qui lui servent d'analyseurs privilégiés pour une anthropologie du citadin.

Comme le devenir de la ville est scandé par les ruptures et les crises, sa compréhension passe aussi par l'étude de pathologies urbaines. Dans le prolongement des travaux de William Thomas, Park et ses collaborateurs ont ainsi été les pionniers d'une sociologie de la déviance et des petites gens, qui occupe une place importante dans leurs études empiriques et a ouvert la voie à une analyse interactionnelle des pratiques culturelles et des mentalités —

 

0_3df8c_13a65425_orig.jpg

Les petites gens 

 


 

Les commentaires sont fermés.