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jeudi, 06 mai 2010

La leçon d'écriture

Claude Lévi-Strauss raconte dans Tristes tropiques (1)  qu’il part un jour en voyage avec quelques Nambikwara, apportant avec lui des cadeaux qu’il compte distribuer à ses hôtes. Alors qu’ils sont arrivés au terme de leur voyage, il se passe « un incident extraordinaire » qui va déclencher l’imagination de l’anthropologue et lui faire écrire de longs développements sur l’écriture, ses usages et ses fonctions, le pouvoir et la connaissance, etc.

Lévi-Strauss raconte qu’il distribue des feuilles de papier et des crayons aux indigènes qui n’en font tout d’abord pas grand cas, mais qui les amènent tout de même un jour « à tracer sur le papier des lignes horizontales ondulées », cherchant « à faire de leur crayon le même usage » que lui. Mais, alors que généralement pour ceux qui s’y essayaient « l’effort s’arrêtait là », le « chef de bande voyait plus loin ». Avant même la description précise de l’« incident extraordinaire » annoncé plus haut, Lévi-Strauss nous livre d’emblée son interprétation à propos de ce qui s’est passé ce jour-là : le chef, à qui il prête une capacité à « voir plus loin » que les autres, aurait tout simplement « compris la fonction de l’écriture ».

 

 

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Ecriture et asservissement (levi-strauss)

 Claude Lévi-Strauss définit sa théorie de la culture, fondée sur des structures symboliques inconscientes, dans une introduction à l'œuvre de l'anthropologue Marcel Mauss :

«Toute culture peut être considérée comme un ensemble de systèmes symboliques au premier rang desquels se placent le langage, les règles matrimoniales, les rapports économiques, l'art, la science, la religion. Tous ces systèmes visent à exprimer certains aspects de la réalité physique et de la réalité sociale, et plus encore, les relations que ces deux types de réalité entretiennent entre eux et que les systèmes symboliques eux-mêmes entretiennent les uns avec les autres ».

 

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« C'est une étrange chose que l'écriture. Il semblerait que son apparition n'eût pu manquer de déterminer des changements profonds dans les conditions d'existence de l'humanité ; et que ces transformations dussent être surtout de nature intellectuelle. La possession de l'écriture multiplie prodigieusement l'aptitude des hommes à préserver les connaissances. On la concevrait volontiers comme une mémoire artificielle, dont le développement devrait s'accompagner d'une meilleure conscience du passé, donc d'une plus grande capacité à organiser le présent et l'avenir. Après avoir éliminé tous les critères proposés pour distinguer la barbarie de la civilisation, on aimerait au moins retenir celui-là : peuples avec ou sans écriture, les uns capables de cumuler les acquisitions anciennes et progressant de plus en plus vite vers le but qu'ils se sont assigné, tandis que les autres, impuissants à retenir le passé au delà de cette frange que la mémoire individuelle suffit à fixer, resteraient prisonniers d'une histoire fluctuante à laquelle manqueraient toujours une origine et la conscience durable du projet.

 

 

 

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mardi, 04 mai 2010

Gutenberg

 Johannes Gensfleisch zur Laden zum Gutenberg – dit Gutenberg (du nom d'une maison que sa famille possédait, Zu guten Bergen, à la Bonne-Montagne) – est né à Mayence vers 1400. Novateur dans l'usage des caractères métalliques mobiles, il est considéré comme l'inventeur de l'imprimerie typographique en Europe, Bi Sheng  ayant inventé les caractères mobiles en argile bien plus tôt (entre 1041 et 1048) en Chine, et Choe Yun-ui les caractères mobiles en métal en Corée vers 1234.  Son père, un patricien, était sans doute négociant en draps. On ne sait rien de sa jeunesse. Il lui fallut en tout cas quitter sa ville natale en 1428 à la suite d'une révolte des corporations. On le retrouve à Strasbourg en 1434.

En 1436, il passe un contrat avec un bourgeois de la ville, Andreas Dritzehn, et s'engage à lui livrer une sorte de tour perfectionné susceptible de polir les pierres précieuses. Il conclut également avec Dritzehn et deux autres bourgeois de la ville un autre contrat destiné à leur livrer un procédé permettant de fabriquer en série de petits miroirs, à partir d'un alliage de plomb, d'étain et de cuivre auquel on ajoutait sans doute de l'antimoine. Ces miroirs étaient destinés à capter l'image de reliques qu'on montrait au peuple à partir d'un balcon de la cathédrale lors d'un pèlerinage.

Gutenberg apparaît ainsi comme un ingénieur très averti des progrès récemment réalisés dans l'art du métal. Mais, en fait, il a un autre projet en tête : il donne dès 1436 à un orfèvre originaire de Francfort la somme importante de 100 florins en échange de « choses appartenant à l'imprimerie ». Il travaille d'abord seul, dans le secret, mais ses associés exigent d'être parties prenantes dans ses autres « arts et entreprises ». Bientôt, cependant, à la suite de la mort d'Andreas Dritzehn et des querelles opposant les frères et héritiers de celui-ci, Gutenberg dénonce son contrat. Un procès s'ensuit.

Bible de Gutenberg

 

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lundi, 03 mai 2010

Le plan de commnication de J.Kerviel

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Le plan de communication de Jérôme Kerviel est parfaitement rôdé. La démarche est simple: sortie d'un livre, interviews multiples et journalistes consentants pour mieux amener l'opinion publique à adhérer à sa cause. L'avocat général Philippe Bilger s'est irrité  des interventions médiatiques récentes de Jérôme Kerviel, l’ex-trader accusé d’avoir fait perdre à la Société Générale 5 milliards d’euros, alors que le procès de celui-ci doit se tenir dans un mois. Le magistrat y voit une tentative de pression sur le tribunal. S'y révèle surtout la trace de la communication, laquelle étend chaque jour un peu plus son emprise sur les journalistes et, à travers eux,  sur l’information.

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vendredi, 30 avril 2010

Walter Benjamin, le divertissement

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La masse est une matrice d'où sort à l'heure actuelle tout un ensemble d'attitudes nouvelles à l'égard de l’œuvre d'art. La quantité est devenue qualité. L'accroissement massif du nombre des participants a transformé leur mode de participation. Que cette participation apparaisse d'abord sous une forme décriée ne doit point tromper l'observateur. Nombreux pourtant sont ceux qui, n'ayant point dépassé cet aspect superficiel des choses, l'ont dénoncé avec passion. Les critiques de Duhamel sont les plus radicales. Ce qu'il retient du cinéma est ce mode de participation qu'éveille le film chez les spectateurs. Duhamel écrit: « C'est un divertissement d'ilotes, un passe-temps d'illettrés, de créatures misérables, ahuries par leur besogne et leurs soucis [...], un spectacle qui ne demande aucun effort, qui ne suppose aucune suite dans les idées, ne soulève aucune question, n'aborde sérieusement aucun problème, n'allume aucune passion, n'éveille au fond des cœurs aucune lumière, n'excite aucune espérance, sinon celle, ridicule, d'être un jour "star" à Los Angeles ». On le voit bien, nous retrouvons, en fin de compte, la vieille plainte: les masses cherchent le divertissement, mais l'art exige le recueillement. C'est un lieu commun. Mais il reste à se demander s'il offre une bonne perspective pour comprendre le cinéma. II faut y regarder de plus près.

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jeudi, 29 avril 2010

Cassandre (1901-1968)

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Cassandre, pseudonyme d'Adolphe Jean Marie Mouron ( 24 janvier 1901, Kharbov, 17 juin 1968 à Paris) est un graphiste, affichiste, décorateur de théâtre, lithographe, peintre, modeleur 3D et créateur de caractères d'imprimerie français  diplomé de l'uqam.

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mardi, 27 avril 2010

Iconographie de l'abbé Pierre

La vieille femme serrait encore dans son poing crispé l’avis d’expulsion. L’abbé Pierre (Henri Groues) et ses compagnons l’avaient découverte cette nuit du 31 janvier 1954, raidie par le gel, sur un trottoir du boulevard Sébastopol. Depuis plusieurs nuits ils parcouraient les rues de Paris pour mettre à l’abri des sans logis menacés par un froid de – 20° devenu meurtrier pour les S.D.F. Mais aussi pour des familles à très faibles ressources victimes de la crise du logement conséquence d’une imprévoyance nationale de plusieurs décennies.
Depuis 1951, les communautés de chiffonniers d’Emmaüs, confrontées à ces détresses, avaient tenté de leur porter assistance, dans l’urgence, en aménageant des lieux d’hébergement faits de baraquements, parfois de carcasses d’autobus. Dans la nuit du 3 au 4 janvier 1954, un bébé mourait de froid dans une de ces « cités » de fortune, « Les Coquelicots », à Neuilly-Plaisance. Révolté, l’abbé Pierre interpellait le ministre.


Là, devant cette malheureuse recroquevillée, il mesurait son impuissance. Il lui fallait crier sa colère, en appeler à l’opinion publique. Radio Luxembourg lui ouvrait son antenne. Cet appel du 1er février 1954 : « Mes amis, au secours… » suscitait ce que l’on devait nommer « l’insurrection de bonté », mouvement de solidarité sans précédent. Les dons affluaient : espèces (plusieurs millions de francs de l’époque), vêtements, couvertures, tentes et aussi beaucoup de bonnes volontés. Des comités d’aide aux sans logis, nés partout en France, se regroupaient au sein d’une Union nationale devenue Confédération générale du logement (C.G.L.) afin de promouvoir une autre politique du logement. Les pouvoirs publics, enfin, réagissaient : une loi, rapidement promulguée, suspendait les expulsions pendant les mois d’hiver, un programme de construction de cités d’urgence était lancé, financé par l’emprunt ; le rythme de la construction de logements, notamment H.L.M., doublait en deux ans.


Aujourd’hui, pour bien des causes, l’abbé Pierre reste un recours. Comme la Confédération générale du logement, d’autres associations à même vocation luttent pour le respect du droit au logement ; la loi interdisant les expulsions en hiver reste en vigueur car il y a toujours des sans logis, même s’ils sont autres ; le Samu social ou la Croix rouge continuent, en hiver, le ramassage des plus menacés. Pourtant, des gens meurent encore de froid dans les rues. Réveillée dans sa conscience par l’abbé Pierre, la Nation ne peut plus feindre de l’ignorer.

Roger Dauphin, journaliste, ancien directeur de Faim et soif, revue fondée par l’abbé Pierre, ancien secrétaire général de la Confédération générale du logement

 

 

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Voici le texte intitulé Iconographie de l'abbé Pierre, tiré de Mythologies de Roland Barthes (1957).

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samedi, 24 avril 2010

Horkheimer et Adorno : les industries culturelles

La fusion actuelle de la culture et du divertissement n'entraîne pas seulement une dépravation de la culture, mais aussi une intellectualisation forcée du divertissement. La raison en est d'abord que l'on n'a accès qu'à ses reproductions que sont le cinéma, la radio. A l'époque de l'expansion libérale, le divertissement se nourrissait d'une foi intacte dans l'avenir : les choses resteraient en l'état, tout en s'améliorant cependant. De nos jours, cette foi est encore plus intellectualisée; elle devient ai subtile qu'elle perd de vue tout objectif et n'est plus que ce fond doré de lanterne magique projeté derrière la réalité. Elle se compose de l'a signification particulière dont le spectacle - en parfait parallélisme avec la vie - investit une fois de plus le beau garçon, l'ingénieur, la jeune fille dynamique, l'homme sans scrupule présenté comme un homme de caractère, et, pour finir, les autos et les cigarettes, même lorsque l'amusement ne rapporte guère aux producteurs, mais uniquement au système dans son ensemble. L'amusement lui-même devient un idéal, il prend la place des biens plus élevée dont il prive entièrement les masses, en les répétant sous une forme encore plus stéréotypée que les slogans publicitaires financée par des intérêts privés. L'intériorité, forme subjectivement réduite de la vérité, fut de tout temps assujettie aux maîtres de l'extérieur, bien plus qu'elle ne l'imaginait. L'industrie culturelle la transforme en , mensonge évident. Elle n'est plus ressentie que comme rabâchage que l'on subit comme un assaisonnement aigre-doux dans les best-sellers religieux, les filma psychologiques et les romans-feuilletons des magazines féminins, afin de pouvoir dominer d'autant plus sûrement les émotions de la vie réelle. Dans ce sens, l'amusement réalise la purgation des passions qu'Aristote attribue déjà à la tragédie, et que Mortimer Adler assigne au film. L'industrie culturelle révèle la vérité sur la catharsis comme elle la révèle sur le style.

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Horkheimer (à gauche) et Adorno (à droite)

 

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vendredi, 23 avril 2010

Communication de masse

 La Communication de masse, c'est un émetteur (ou un ensemble d'émetteurs liés entre eux) s'adressant à tous les récepteurs disponibles. Là, la compréhension est considérée comme la moins bonne, car le bruit est fort, mais les récepteurs bien plus nombreux. Elle dispose rarement d'une rétroaction, ou alors très lente (on a vu des campagnes jugées agaçantes par des consommateurs, couches pour bébé par exemple, conduire à des baisses de ventes du produit vanté). Ce type de communication a été conceptualisé avec l'apparition des notions d'organisation de masse dont quatre éléments sont la standardisation, le Fordisme, le taylorisme et la publicité... On parle de médias de masse ou « MassMedia ». En font partie la radiocommunication, la radiodiffusion et la télévision. L'absence de réponse possible en fait un outil idéal de la Propagande, ce que souligna à plusieurs reprises Georges Bernanos.  L'apparition de l'internet rend la rétroaction possible

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Le 24 octobre. A Varsovie, un meeting de plusieurs milliers de personnes auquel participe Władysław Gomułka se déroule sur la place des Défilés. Les premières informations relatives aux événements de Budapest, affluent. Stefan Staszewski (1er secrétaire du Comité Varsovien du Parti Ouvrier Unifié de Pologne - PZPR) :  Un océan de têtes, la foule, mercredi, 15 heures. [...] Des pancartes et des drapeaux blanc et rouge et pour la première fois, des inscriptions de solidarité et de soutien avec le peuple hongrois dans sa lutte, surtout les pancartes près de la tribune. Gomułka est horriblement tendu.

Władysław Gomułka (1er secrétaire du Comité Central du Parti Ouvrier Unifié de Pologne - PZPR) : Camarades ! Citoyens ! Travailleurs de la capitale ! [...] Au cours de ces dernières années, beaucoup de mal, de désordre et de douloureuses déceptions se sont accumulés en Pologne. Les idées du socialisme imprégnées de l'esprit de liberté de l'homme et du respect des droits du citoyen, ont été en pratique profondément altérées. Les mots n'ont pas trouvé de reflet dans la réalité. Les lourdes difficultés de la classe ouvrière de la nation entière, n'ont pas donné les fruits espérés. Je crois profondément que ces années sont définitivement derrière nous.
[...] Je m'adresse aujourd'hui au peuple des travailleurs de Varsovie et à tout le pays, avec cet appel : Assez de meetings et de manifestations ! Il est temps de reprendre le travail quotidien en ayant conscience et en croyant que le parti uni à la classe ouvrière et à la nation, conduira la Pologne sur la nouvelle voie du socialisme.

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